Risque et dérive des conventions de "fees management"

La convention de « management fees » est fréquemment utilisée par l’acquéreur d’une société qui constitue, pour financer l’opération, une société « holding » qui va souscrire un emprunt qu’elle remboursera à l’aide de ressources constituées de dividendes (toujours aléatoires), mais également du produit de prestations facturées à sa filiale. Un tel montage permet en effet à la holding de générer du chiffre d'affaires taxable et récupérer la TVA exigible sur certains frais de transaction. 

 

La (ou les) filiales bénéficiaire(s) des services déduise(nt) comptablement et fiscalement les honoraires payés à la « holding » prestataire de services. Or, un arrêt de la chambre commerciale de Cour de cassation du 14 septembre 2010, N° 09-16084 apporte un éclairage intéressant sur cette pratique. 

 

Dans l'affaire présentée devant la Cour de cassation, le directeur général d'une société anonyme avait fondé une entreprise de prestation de services. Une convention avait alors été conclue entre la société anonyme (« SA ») et l'entreprise créée par le dirigeant aux termes de laquelle le prestataire s'engageait à fournir à la SA un ensemble de prestations et à mettre à la disposition de la SA le directeur général de cette dernière en contrepartie d'une rémunération fixe et d'un intéressement sur le résultat de la SA. Plus d'un an après sa conclusion, la SA conteste la validité de la convention et assigne la société prestataire en remboursement d'une somme correspondant à l'intégralité des rémunérations versées.

 

Au-delà des motivations de la filiale pour remettre en cause la convention attaquée, il importe de s’intéresser à la motivation de la Cour de cassation qui porte sur la nature de la prestation objet de la convention : « action commerciale, gestion industrielle, gestion des ressources humaines, gestion administrative et financière, stratégie générale, prestation de direction». La Cour relève que cette « prestation » fait double emploi avec la présence, à la tête de la SA d’un Directeur Général nommé justement pour exercer ces fonctions, fut-il non rémunéré. 

La Cour d'Appel de Paris puis la Cour de cassation ont fait droit à la demande de la SA en annulant la convention au motif que celle-ci était dépourvue de cause. La société prestataire a alors été condamnée à rembourser à la SA les sommes versées en exécution du contrat, et pour la filiale la non déductibilité des charges et de la TVA.

 

Si l’origine de ce litige peut sembler « exceptionnel », une telle décision et surtout ses conséquences fiscales doit faire réfléchir quant au risque de remise en cause de la déductibilité de telles opérations, tout comme le risque, pour le dirigeant de se voir condamner d’abus de biens sociaux dès lors que la convention dépourvue de contrepartie pour la SA est contraire à son intérêt et favorise une société dans laquelle le dirigeant est intéressé.

 

Une réponse peut être apportée par l’externalisation par la filiale, de prestations diverses (comptabilité, informatique, animation commerciale…) de nature à contourner l’obstacle de la licéité de l’objet de la convention.

 

Il convient toutefois d’envisager une double difficulté : 

 

Pour la filiale il existe un risque que cette déductibilité soit contestée par l’administration si la marge est excessive, au motif que payer de telles facturations est un acte anormal de gestion. C’est à travers la notion de l’intérêt social que les juges apprécient la « normalité » d’un acte de gestion. Lorsque cet acte, contraire à l’intérêt social, est déclaré anormal, les conséquences fiscales peuvent être douloureuses. L’administration procède alors à une double rectification : « les bénéfices de l’entreprise sont d’abord rehaussés du montant des charges indues ou du montant du manque à gagner injustifié. Quant au bénéficiaire, il sera de son côté imposé sur le montant des largesses dont il a été gratifié ». Cette théorie de l’acte anormal de gestion « permet ainsi à l’administration fiscale de refuser la déductibilité des charges dès lors que celles-ci ne correspondent pas à des prestations effectives ou lorsqu’elles apparaissent excessives par rapport aux services rendus ou étrangères à l’intérêt social de la société concernée. 

 

Le risque pourrait être aggravé en cas de difficulté de cette dernière. Si la résolution d’un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire de ladite « cible animée » faisait en effet apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal pourrait, s’il considérait que cette faute de gestion a contribué à l’insuffisance d’actif de cette société, déclencher une action en comblement du passif social, désormais baptisée action en « responsabilité pour insuffisance d’actifs », sur le fondement de l’article L. 651-2 du Code de commerce, voire, au cours de la liquidation judiciaire, une action en extension, désormais dénommée « obligation aux dettes sociales », sur le fondement de l’article L. 652-1 du même code.

 

A l’inverse, et pour la holding, la facturation de prestations de services, opérées sans marge à leur coût de revient, constitue en principe un acte anormal de gestion et la société prestataire doit alors réintégrer dans ses résultats la quote-part correspondant à une renonciation à recettes. Le juge de l’impôt a eu l’occasion d’affirmer qu’une société mère qui réalise des prestations au profit de sa filiale pour une rémunération inférieure à celle contractuellement prévue commet ainsi un acte anormal de gestion dès lors qu’elle ne parvient à démontrer que cet avantage lui procure une contrepartie.

 

C’est donc entre ses deux écueils que doivent naviguer les repreneurs qui souhaitent utiliser ce « montage » d’autant plus délicat que le « groupe » ainsi constitué ne comprend qu’une filiale. 

 

La précaution la plus élémentaire restant l’élargissement à des prestations « facturables » sans contestation et la référence au « prix de marché » pour justifier de celui de la prestation rendue par la holding.


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