Quels sont les avantages sur le plan fiscal qui peuvent découler de la fusion de sociétés ?

Considérée à l'état brut, la fusion peut apparaître comme une abomination fiscale.

 

Pour la société fusionnée et dissoute (société absorbée), l'opération emporte toutes les conséquences fiscales d'une cessation d'entreprise : imposition immédiate des bénéfices d'exploitation non encore soumis à l'impôt, imposition des provisions initialement déduites du résultat fiscal et imposition des plus-values latentes existant sur les actifs de la société fusionnée.

 

Pour la société résultant de la fusion (société absorbante), la fusion emporte, en matière de droits d'enregistrement, les conséquences des apports en société : application du droit fixe de 250 euros ou du droit proportionnel de 4,80%, selon qu'il s'agit d'apports à titre pur et simple ou à titre onéreux. Enfin, pour les actionnaires de l'absorbée, l'acquisition de nouveaux titres en échange des titres de la société fusionnée entraîne en théorie la réalisation d'une plus-value imposable.

 

Fort heureusement, le législateur a doté les fusions de régimes fiscaux de faveur, notamment en matière d'impôt sur les sociétés et de droits d'enregistrement. Ces dispositions favorables ont pour objet avoué de neutraliser les conséquences fiscales des opérations de fusion afin de leur conférer un caractère purement intercalaire. Les fusions présentent donc au final certains attraits fiscaux dont il ne faudrait toutefois pas abuser ; car en la matière, le fisc veille… 

 

Avantages fiscaux en matière d'impôt sur les sociétés 

 

I.E. article 210-0 A et suivants du Code général des impôts

 

  • Régime de faveur 

Le régime de faveur applicable en matière d'impôt sur les sociétés est optionnel. Il ne bénéficie qu'aux sociétés (quelle qu'en soit la forme) soumises à l'impôt sur les sociétés.

 

Pour la société absorbée, le régime de faveur se traduit par :

- la non-imposition des bénéfices placés en sursis d'imposition (plus-values résultant d'un apport ou d'une fusion, par exemple) ;

- l'exonération des provisions qui conservent leur objet ; 

- l'exonération des plus-values latentes existant sur les actifs apportés lors de la fusion.

 

Seuls deviennent imposables du fait de la fusion les bénéfices d'exploitation de l'exercice en cours (sauf rétroactivité fiscale : voir ci-dessous) et les provisions devenues sans objet. Par ailleurs, les déficits fiscaux générés par la société absorbée avant la fusion sont perdus. Cette conséquence est importante et peut, le cas échéant, conditionner le choix du sens de la fusion. 

 

La société absorbante, de son côté, est tenue à certaines obligations destinées à conférer à la fusion un caractère intercalaire : suivi de la valeur fiscale des actifs de l'absorbée (prix de revient fiscal à retenir par l'absorbante pour le calcul des plus-values futures réalisées sur ces actifs), calcul des plus-values futures d'après ces valeurs fiscales, reprise des provisions et des réserves spéciales constituées par l'absorbée, reprise des engagements de la société fusionnée (engagement de conservation des titres,…),... Les engagements de la société absorbante sont matérialisés dans le traité de fusion.

  • Rétroactivité fiscale 

Avantage fiscal souvent décisif, la rétroactivité (généralement effective au premier jour de l'exercice social de la société absorbée) permet à la société absorbante de comprendre dans ses propres résultats le bénéfice réalisé par la société absorbée à compter de la date d'effet rétroactif choisie.

 

La rétroactivité fiscale permet ainsi la consolidation des résultats fiscaux de la société absorbée et de la société absorbante réalisés au cours de l'exercice de la fusion ; en cas de profit (après consolidation des résultats des deux sociétés), les déficits fiscaux de l'absorbante pourront, le cas échéant, venir s'imputer sur le bénéfice fiscal total.

 

L'utilisation combinée des déficits fiscaux de l'absorbante et de la rétroactivité fiscale peut ainsi permettre d'éliminer en tout ou partie l'impôt sur les profit réalisés par l'absorbée durant la période intercalaire sous réserve du risque d'abus de droit signalé ci-dessous.

 

Avantages fiscaux en matière de droit d'enregistrement

 

I.E.Article 816 du Code général des impôts

 

Les fusions entre sociétés imposables à l'impôt sur les sociétés sont soumises au seul droit fixe de 230 euros.

  • Situation des membres de la société absorbée

Les actionnaires ou associés personnes morales de la société absorbée bénéficient sur option d'un sursis d'imposition à raison de la plus-value réalisée lors de l'échange des titres de la société absorbée contre ceux de l'absorbante. Le sursis prend fin lors de la cession (ou de l'annulation) ultérieure des titres reçues de l'absorbante.

 

Les personnes physiques actionnaires ou associés de l'absorbée bénéficient d'un sursis d'imposition de plein droit.

 

Enfin, l'attribution de nouveaux titres aux membres de la société absorbée ne constitue pas sur le plan fiscal une distribution de revenus mobiliers. 

L'opération est donc effectivement neutre (ou intercalaire) pour les membres de la société absorbée.

  • Il ne faut pas abuser des avantages fiscaux des fusions

Compte tenu des avantages rappelés ci-dessus, la fusion apparaît comme un outil précieux pour les rapprochements de sociétés (concentrations), les simplifications de groupes voire les transferts ou regroupements d'actifs (notamment les transferts d'immeuble ou de fonds de commerce) et/ou de passifs. L'opération est certes complexe à réaliser du point de vue juridique et comptable mais bien moins onéreuse fiscalement qu'une vente qui, à l'opposé, déclenche l'impôt sur les éventuelles plus-values latentes et l'application de droits d'enregistrement parfois prohibitifs, notamment pour les immeubles et les fonds de commerce.

 

La fusion permet en outre d'atteindre une consolidation fiscale particulièrement intéressante lorsque la société absorbante est structurellement déficitaire (cas des holdings d'acquisition), ou lorsqu'elle dispose de déficits fiscaux. L'utilisation des déficits de la société absorbante n'est toutefois possible que si cette dernière n'a pas changé d'activité du fait de la fusion. Le changement d'activité d'une société entraîne en effet cessation de l'être fiscal et donc perte des déficits fiscaux.

 

Mais attention l'administration fiscale a récemment rappelé à propos des fusions dites rapides (opération consistant en l'acquisition des titres d'une société suivie de sa fusion avec la société qui l'acquiert) qu'elle pouvait s'opposer aux effets fiscaux d'une fusion constitutive pour la société absorbée d'un acte anormal de gestion ou constitutive dans son ensemble d'un abus de droit.

 

L'acte anormal de gestion est une opération déséquilibrée, sans contrepartie suffisante pour la société qui le réalise. Dans le cas des fusions, la plupart des auteurs et des praticiens s'accordent sur le fait qu'il est difficile à concevoir que la société absorbée réalise un acte anormal de gestion, cette dernière venant à disparaître du fait de la fusion, opération qu'elle n'a d'ailleurs elle-même pas décidée. 

 

L'abus de droit, quant à lui, se définit comme l'acte permettant d'éviter en totalité ou en partie l'impôt et que l'administration fiscale peut écarter s'il est fictif (acte de vente déguisant une donation, par exemple) ou s'il a pour objet exclusif d'éluder l'impôt. En raison des conséquences opérationnelles et juridiques qu'elles emportent, les fusions peuvent difficilement apparaître comme une opération fictive (sauf cas rarissime où la société absorbante est scindée à bref délai…). 

 

La doctrine de l'administration vise donc essentiellement les fusions à but exclusivement fiscal, et plus particulièrement les fusions ayant pour objet de permettre la déduction des frais d'acquisition des titres d'une société (frais financiers, …) des résultats fiscaux de la société acquise.

 

Afin de se prémunir contre le risque d'abus de droit, la fusion doit être motivée par des considérations non exclusivement fiscales ; il importe de détailler dans le traité de fusion les raisons opérationnelle et/ou économiques justifiant l'opération.

 

Quant aux fusions " à l'envers ", dont le sens est dicté par le soucis de préserver les déficits fiscaux existant chez l'absorbante, le Conseil d'Etat a écarté l'abus de droit et jugé que le droit au report de déficits de l'absorbante peut être maintenu, dès lors que l'opération n'a pas un caractère fictif et répond à un intérêt économique.


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