Quels sont les avantages et inconvénients à acheter une société par échange d’actions ?

A la base il s’agit d’une opération par laquelle une société initiatrice veut prendre le contrôle d’une société cible dont les actionnaires seront payés avec des actions de la société initiatrice. On l’aura compris le paiement en titres est donc une des façons de financer une acquisition.

 

Si la méthode présente de nombreux avantages spécifiques, il n’en reste pas moins que ceux-ci sont assortis de contraintes. Cela explique en partie pourquoi, selon les conditions financières qui prévalent sur les marchés au moment de l’opération, voire même de l’environnement macro-économique ambiant, l’utilisation de cette technique soit ressentie comme plus ou moins attractive. En outre les avantages et les inconvénients sont plus ou moins sensibles selon que les sociétés ont un caractère publique ou privé.

 

A titre d’exemple aujourd’hui en Europe cette méthode représente 33% des valeurs de transactions contre 64% en 2000 (au plus haut des marchés) et 21% en 1990. 

Avantages

 

  • En tout premier lieu l’opération évite à la société initiatrice de lever des fonds pour financer l’opération, qu’il s’agisse d’emprunts, le cas le plus fréquent, qui en augmentant l’effet de levier auraient pu, au-delà de la simple distorsion des ratios, entraîner une dégradation de la note attribuée par les agences de notation ou qu’il s’agisse d’une levée de fonds propres, à un moment qui peut ne pas être opportun ; pour preuve si la société initiatrice est cotée l’annonce d’une acquisition entraîne en général un recul de son titre, plutôt qu’une hausse.
  • Dans tous les cas le paiement en « papier », correspondant à une augmentation de capital, n’a donc pas d’incidence sur les ratios d’endettement, tandis que les capitaux augmentent à due concurrence.
  • L’augmentation des fonds propres évite de doubler le pari industriel fait au moment de l’acquisition par un pari financier en augmentant l’effet de levier induit par un emprunt. En contournant le problème de la dette, on élude celui de la gestion des taux d’intérêt et on échappe à la pression des remboursements à date régulière en fonction du contrat de prêt.
  • Si le PER de l’acquéreur est plus élevé que celui de la cible, l’opération est relutive.
  • L’opération est très avantageuse lorsque les cours sont fortement valorisés, souvent la conséquence de PER eux-mêmes élevés ; cette situation ayant pour effet d’abaisser considérablement le coût des fonds propres.
  • Les actionnaires d’une société cible non cotée peuvent éventuellement se retrouver actionnaires d’une société initiatrice cotée dont la capitalisation boursière, le flottant et la rotation des titres se trouveront accrus ipso facto.
  • Les actionnaires de la société acquise intègrent généralement un groupe plus large ce qui constitue une forme de diversification.
  • Sur un plan fiscal, ces mêmes actionnaires peuvent bénéficier d’une mesure d’exemption au regard de l’ISF dès lors qu’il existe un pacte d’actionnaires et d’un régime de report de l’imposition des plus values dès lors qu’un engagement de détention de trois ans des titres reçus a été notifié.
  • A noter que les actions reçues en paiement peuvent provenir d’un PRAP dès lors que dans les objectifs du programme de son rachat d’actions la société cessionnaire prévoyait la remise d’actions en échange dans le cadre d’opérations de croissance externe ; il y aura lieu de tenir compte de l’incidence fiscale si les titres transférés le sont à un prix différent de celui de leur rachat.

Inconvénients et Contraintes 

 

  • Dans tous les cas l’opération est complexe car au lieu de trouver un prix d’acquisition, il faut trouver deux valorisations, une pour l’acquéreur et une pour la cible, et ce afin d’établir une parité d’achat. Il sera d’ailleurs réglementairement nécessaire d’obtenir l’accord d’un commissaire aux apports.
  • Concernant ces valorisations l’enjeu est de taille puisqu’elles conditionnent à la fois la répartition future des pouvoirs et celle des résultats.
  • Quant au champ des négociations il doit couvrir à la fois le montant des coûts de restructuration et celui des synergies dégagées, ainsi que la répartition de ces éléments dans la valorisation.
  • A partir de là il y aura lieu de convoquer pour chacune des parties une Assemblée Générale Extraordinaire et d’obtenir la majorité des deux tiers. Ce qui n’est pas anodin puisque dans le cas de l’acquéreur la création d’actions nouvelles est par nature dilutive et que dans le cas du vendeur il devra être convaincu du bien fondé des perspectives et des prévisions de l’acheteur.
  • Ultérieurement le problème va être de « gérer » ces valeurs, en particulier avec les normes IFRS qui n’autorisent plus l’amortissement du goodwill, mais exigent de pratiquer des « impairment tests » ; ceux-ci doivent être menés sur la base des nouvelles prévisions qu’il convient d’effectuer lors de chaque test, celles-ci actualisées au coût moyen pondéré du capital, autrement dit aux conditions du marché.
  • En outre il convient de signaler le risque, dans l’hypothèse où la société initiatrice se trouve être cotée, de retour de papier, et donc de baisse du cours de l’acquéreur, si la parité d’échange ne fait pas l’unanimité chez les cédants. C’est pourquoi il peut être prudent, au-delà de l’avantage fiscal qui y est inhérent, de négocier un pacte d’actionnaires qui fixera des objectifs à travers un certain nombre de clauses comme par exemple : droit d’agrément, droit de préemption, droit de sortie conjointe, clause de lock up, sortie en cas de désaccord, clauses financières, représentation au sein des organes de direction etc…

En conclusion le paiement en titres d’une acquisition présente comme nous venons de le voir de nombreux avantages, au premier rang desquels se trouve le fait de ne pas avoir besoin de recourir à la dette mais bien au contraire de « battre monnaie », ce qui est somme toute plus satisfaisant que d’avoir une capacité de remboursement de sa dette, qui va être fonction de sa capacité bénéficiaire, même si quelque fois ce processus d’acquisition est un moyen d’occulter une surévaluation temporaire des marchés car en effet ce qui est cherché au fond n’est pas deux valorisations mais bien une parité ; gageons que la présence d’un commissaire aux apports atténue grandement ce risque.

 

Par ailleurs il faut bien reconnaître que ce procédé engendre une plus grande complexité et qu’il est la source d’un certain nombre de contraintes non négligeables.

 

Pour ce qui concerne les actionnaires de la société cible, l’intérêt de l’opération est bien entendu essentiellement fonction des cours des deux actions ou de la valeur donnée à chacune d’elle et des conditions de l’échange, sans pour autant négliger les spécificités fiscales.

 

Au-delà de cela, il me semble que c’est surtout un moyen d’association stratégique de deux équipes existantes et qu’il peut être une source de motivation des acteurs de part et d’autre. Mais à ce jour force est de constater que la mise en application des normes IFRS est de nature à modérer l’usage de l’échange de titres car les écarts d’acquisition doivent être validés régulièrement par des impairments tests, ce qui ultérieurement complique notoirement le processus.


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