Le pacte d’actionnaires ou pacte d’associés est un contrat entre certains ou tous les actionnaires / associés (désignés ci-après conjointement « associés ») d’une société visant à définir certaines règles gouvernant des aspects particuliers de leurs rapports non déterminés par la loi.
Cet instrument s’avère utile dans la plupart des sociétés comptant plusieurs associés. Il est même indispensable lorsque la nature de leur implication dans l’entreprise est différente car leurs droits et obligations doivent alors être aménagés de manière spécifique. Ceci peut se produire dans des hypothèses très diverses :
Compte tenu de la diversité de ces situations, il n’existe naturellement pas de modèle type de pacte. Toutefois, quelques grands principes peuvent être dégagés et servir de guide dans le cadre d’une négociation avec des associés existants ou des investisseurs.
1. Clauses habituelles figurant dans un pacte d’associés
Schématiquement, le pacte vise à régler trois types de problématiques liées au statut d’associé d’une société : l’organisation des pouvoirs, l’étendue des droits financiers et la répartition du capital.
Les dispositions d’un pacte relatives à l’organisation des pouvoirs au sein de la société peuvent être divisées en deux catégories : celles qui concernent la direction de l’entreprise, d’une part, et celles qui renforcent le contrôle des associés, d’autre part.
Dans les sociétés où aucun associé ne dispose de la majorité absolue à l’assemblée (cas d’un actionnariat diffus ou d’une joint-venture à 50/50 par exemple), il importe de définir qui dirigera l’entreprise et la représentera vis-à-vis des tiers.
Le pacte peut préciser l’identité des dirigeants ou décrire les modalités de leur désignation. Il peut également poser des exigences particulières quant à leur profil telles que l’appartenance à la société en tant qu’associé ou salarié, une compétence technique particulière, une ancienneté ou un âge minimum, un nombre maximum de mandats exercés dans d’autres entités etc. Lorsque coexistent plusieurs associés ou groupes d’associés significatifs, ce contrat peut prévoir une codirection ou encore une direction en alternance.
Enfin, très souvent, des organes collégiaux prévus par la loi (cas du conseil d’administration, du directoire ou du conseil de surveillance dans les SA) ou mis en place spontanément par les signataires du pacte sont organisés dans celui-ci afin de soumettre les représentants sociaux, pour des mesures sortant de la gestion quotidienne, à une codécision ou une concertation. Le pacte définira alors précisément les modalités des délibérations (quorum, majorité etc.) au sein de ces organes.
Pour les professionnels du capital investissement, qui ne souhaitent pas, dans la plupart des cas, participer directement à la direction de la société, il est essentiel d’organiser une surveillance étroite de la gestion et de mettre en place des moyens de contrôle plus efficaces que ceux prévus par la loi. Cette préoccupation est partagée par tout associé minoritaire ne disposant pas de pouvoir décisionnel dans la structure.
Ce contrôle peut intervenir de plusieurs manières :
Ces mesures peuvent naturellement se cumuler.
Outre le droit de vote, la détention d’une action ou part sociale confère à son propriétaire différents droits financiers : droit à une quote-part des résultats et réserves à travers les distributions de dividendes ou à travers la répartition de l’actif disponible en cas de liquidation amiable et droit au produit de la vente en cas de cession.
Pour chacun de ces attributs financiers, les objectifs des associés peuvent varier considérablement. Ceci impose que les règles soient définies à l’avance de manière très précise dans un pacte.
Les attentes et besoins des associés relatifs à la politique de distribution peuvent être très différents selon leur situation patrimoniale et fiscale ou leur objectif d’investissement : certains souhaiteront percevoir des dividendes importants et réguliers quand d’autres, désirant assurer la pérennité de l’entreprise par l’autofinancement ou bénéficiant d’une rémunération annexe par leur travail au sein de la société en tant que mandataires sociaux ou salariés, privilégieront la mise en réserve.
Aussi, le premier objet du pacte sera de définir la part des résultats annuels destinée à être distribuée aux associés. Il importera d’adapter les règles en fonction de la situation financière de la société et de ses besoins de financement et veiller à ne pas porter atteinte aux dispositions d’ordre public (en particulier à la prohibition des clauses d’intérêt fixe énoncée par l’article L232-15 du code de commerce notamment).
En cas d’entrée d’un VC au capital d’une société, celui-ci souhaitera le plus souvent bénéficier d’un dividende préciputaire ou prioritaire. De la même manière, il demandera qu’un avantage lui soit reconnu lors de la réalisation de son investissement : prix supérieur en cas de cession, d’apport ou de fusion et droit de liquidation préférentielle en cas de dissolution. Il sollicitera également un ajustement du nombre de ses actions ou parts dans l’hypothèse où des tours de table ultérieurs interviendraient à une valorisation moindre que celle appliquée lors de son entrée au capital (« ratchet »). Le pacte précisera les modes de détermination et, le cas échéant, les conditions d’attribution de ces avantages.
En raison du fort intuitu personae qui motive les personnes investissant dans une société non cotée, il importe de définir dans quelles conditions les associés dirigeants et les minoritaires peuvent céder leur participation entre eux et auprès de tiers. Le pacte permettra ainsi tout à la fois de garantir le maintien au capital des hommes clés, de préserver l’équilibre des pouvoirs et droits financiers entre les parties et de prévenir l’entrée au capital de personnes jugées indésirables.
Ainsi, il est possible de subordonner les cessions de titres par un associé à l’agrément des autres associés ou bien de prévoir au profit de certains d’entre eux un droit de préemption sur ces titres. En fonction de la forme sociale, le pacte peut même comprendre une clause d’inaliénabilité interdisant pendant une période prédéfinie ces cessions.
En outre, les investisseurs minoritaires ont souvent intérêt à inclure dans le pacte une clause de cession conjointe par laquelle le ou les associés majoritaires désireux de céder leurs titres à un tiers s’engagent à faire racheter la participation des minoritaires par celui-ci. Inversement, le ou les majoritaires devront mettre en place une clause de sortie forcée leur permettant d’exiger des minoritaires qu’ils cèdent leurs titres en cas de projet d’acquisition globale de la société par un tiers.
Enfin, il est très utile d’organiser la sortie de certains investisseurs en cas de mésentente durable entre associés.
En complément des dispositions relatives à la stabilité du capital, il est nécessaire pour les associés non dirigeants d’insérer dans le pacte une clause de non concurrence permettant de garantir la totale implication des managers dans la direction de la société.
2. Forme du pacte
Le pacte peut être inséré dans les statuts ou bien figurer dans un document annexe. Le choix entre pactes statutaires et extra-statutaires est dicté par différentes considérations.
Le premier avantage du pacte inséré dans les statuts est d’être opposable à tous les associés, présents et futurs, et de ne pas s’appliquer qu’à ses signataires.
En outre, sa publicité permet de dissuader tout cédant ou cessionnaire potentiel de transgresser les règles encadrant la répartition du capital qu’il contient, ce qui contribue à son efficacité.
Enfin, pour les sociétés par actions simplifiée, ces clauses bénéficient d’une efficacité particulière lorsqu’elles figurent dans les statuts car leur violation est sanctionnée par la nullité des cessions. Il en va de même du non-respect d’une clause d’agrément dans une SA. Au contraire, la violation de telles dispositions insérées dans un pacte extra-statutaire ne se résout qu’en dommages et intérêts (sauf collusion frauduleuse).
Le principal intérêt des pactes extra-statutaires réside dans leur caractère confidentiel. Cet avantage ne s’applique cependant pas aux sociétés cotées sur un marché réglementé (Eurolist) pour lesquelles les pactes prévoyant des conditions préférentielles de cession d’actions sont publiés.
En pratique, il sera souvent utile de panacher les supports du pacte en ne faisant figurer dans les statuts qu’une partie des clauses.
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