L’une des innovations les plus importantes de l’Ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 (Décret d’application n° 2005-112 du 10 février 2005) est certainement l’institution en droit français des actions de préférence inspirées des « preferred stocks » anglo-saxonnes.
Le principe en est fixé par le nouvel article L.228-11 du Code de commerce qui dispose que « lors de sa constitution ou au cours de son existence, il peut être créé des actions de préférence, avec ou sans droit de vote, assorties de droits particuliers de toute nature, à titre temporaire ou permanent. »
Toute présentation des actions de préférence débute naturellement par le constat que les actions de préférence sont, avant tout, des actions, c’est-à-dire des titres de capital représentatifs d’une fraction du capital social d’une société par actions.
Les titres de capital constituent une nouvelle catégorie, crée également par l’Ordonnance du 24 juin 2004 pour faire face aux titres de créances (les titres obligataires) et regroupe donc les actions « ordinaires » et les actions de préférence.
Le capital d’une société par actions peut désormais être composé soit d’actions « ordinaires », soit d’actions de préférence, soit encore de ces deux types de titres de capital.
Les actions « ordinaires » ont toutes a priori des caractéristiques identiques : 20% du capital social donne droit à 20% des droits de vote en assemblée générale, à 20% du dividende éventuel et à 20 % du boni de liquidation. L’émission d’actions de préférence va permettre aux actionnaires de la société de modifier ces répartitions. L’article L.228-11 visé ci-dessus précise que les actions de préférence pourront être « avec ou sans droit de vote » et « assorties de droits particuliers de toute nature, à titre temporaire ou permanent ».
L’assemblée générale extraordinaire reste, comme pour les actions « ordinaires », seule compétente pour décider de l’émission, du rachat et de la conversion des actions de préférence (Articles L.228-12 à L.228-15 du Code de commerce). En vertu des articles L. 228-15 et suivants du Code de commerce, l’émission des actions de préférence réalisée au profit de personnes identifiées donne lieu à l’application de la procédure des avantages particuliers, c’est-à-dire à la désignation d’un commissaire aux avantages particuliers dont la mission sera d’apprécier les caractéristiques propres des actions de préférence émises.
La réforme laisse une grande place à la liberté contractuelle puisque l’on doit admettre, avec la majorité de la doctrine, que le terme « préférence » ne signifie pas que ces actions ne pourront bénéficier que d’avantages par rapport aux actions « ordinaires » mais bien aussi de droits réduits (suppression du droit de vote, limitation du droit au dividende…). Les caractéristiques des actions de préférence seront décrites dans les statuts de la société ce qui permettra une opposabilité aux tiers que n’offrent pas les pactes d’actionnaires.
Les droits particuliers dont bénéficient les actions de préférence peuvent être financiers et/ou politiques, isolés ou cumulés, de même durée ou de durées différentes et être exercés dans la société émettrice elle-même ou dans une autre société du groupe dès lors que l’émission de ces actions aura été autorisée par les assemblées d’actionnaires des sociétés intéressées (Article L.228-13 du Code de commerce).
Les droits financiers - Le droit aux dividendes sera sans doute un important levier d’utilisation des actions de préférence dans les opérations de capital investissement. En effet, l’investisseur pourra négocier un droit à un dividende :
Les limites à la créativité des praticiens sont essentiellement :
Ces avantages financiers seront sans doute réclamés par de nombreux investisseurs financiers entrant au capital d’une société en développement. Ces préférences financières leur permettront d’envisager une rentabilité minimale de leur investissement par prélèvements prioritaires sur les résultats sociaux. Ces mêmes avantages financiers peuvent également être prévus lors de la liquidation de la société, le droit au boni de liquidation des porteurs d’actions de préférence sera alors supérieur et/ou payé en priorité à celui des titulaires d’actions ordinaires.
Les porteurs d’actions de préférence, lorsqu’ils ne détiennent qu’un faible pourcentage du capital de la société émettrice, peuvent obtenir le droit de n’être appelés qu’après les porteurs d’actions ordinaires en cas de réduction de capital motivée par des pertes ou peuvent négocier le droit de souscrire à toute augmentation de capital, même réservée, dans les mêmes conditions, afin que leur participation ne soit pas supprimée ou diluée.
En pratique, l’investisseur financier pourra également bénéficier d’un droit préférentiel sur le prix de cession d’un actif identifié de l’entreprise. Lorsque l’investisseur investit dans un holding détenant plusieurs participations, il peut négocier le fait de recevoir par priorité une part significative du prix de cession d’une de ces participations dont la vente a été d’ores et déjà envisagée et ce, là encore, afin de lui permettre d’augmenter la rentabilité de son investissement initial.
Là où les stipulations des pactes d’actionnaires qui concernaient un accord sur le versement futur de dividende relevaient souvent de la prohibition des conventions de vote, les dispositions nouvelles relatives aux actions de préférence permettent une meilleure sécurité juridique.
Les droits politiques
D’autres clauses habituellement insérées dans des pactes d’actionnaires pourront également faire l’objet d’une insertion statutaire au profit des porteurs d’actions de préférence, notamment en ce qui concerne leur participation à l’exercice du pouvoir.
La participation des porteurs d’actions de préférence au pouvoir de décision peut être assurée par l’attribution en leur faveur d’un certain nombre de sièges au sein du conseil d’administration ou de surveillance. Cette participation peut être renforcée par l’institution d’un quorum spécial pour la tenue des réunions (afin que le conseil ne puisse valablement délibérer sans la présence des administrateurs représentant les porteurs d’actions de préférence) et d’une majorité qualifiée pour l’adoption des décisions du conseil, supposant le vote favorable d’un ou des administrateurs représentant la catégorie des porteurs d’actions de préférence.
Si les titulaires d’actions de préférence décident de ne pas participer aux réunions des conseils d’administration, il peut être prévu de soumettre à leur autorisation ou à leur consultation préalable la réalisation de certaines opérations déterminées. Une liste des décisions significatives au sein de l’entreprise sera établie et leur accord sera requis pour l’adoption de telle décision.
Les droits politiques au sein de l’entreprise s’exercent par l’intermédiaire des votes mais également sous réserve de disposer d’une information sociale renforcée. Les statuts pourront donc comprendre une clause d’information élargissant le champs de l’information légale dont bénéficient tous les actionnaires (situation comptable trimestrielle, état de trésorerie mensuel, description des principaux litiges…) ou une clause d’audit donnant le droit aux actionnaires de préférence de faire réaliser un audit de la société selon une périodicité déterminée.
Il est facile d’imaginer que tout investisseur financier tentera de négocier avec le majoritaire cette participation accrue à la gestion de la société afin de s’assurer du devenir des capitaux investis.
Le droit de vote
L’Ordonnance du 24 juin 2004 pose le principe de la liberté dans l’aménagement du droit de vote attaché aux actions de préférence. Aux termes du deuxième alinéa de l’article L. 228-11 du Code de commerce « Le droit de vote peut être aménagé pour un délai déterminé ou déterminable. Il peut être suspendu pour une durée déterminée ou déterminable ou supprimé ».
Cette liberté pourra évidemment être utilisée par le majoritaire accueillent un investisseur financier à son capital pour lui permettre de conserver la majorité des droits de vote et donc le contrôle de l’entreprise alors que les fonds nécessaires à son développement l’ont conduit à réaliser une augmentation de capital au terme de laquelle les investisseurs détiennent plus de 50% du capital social.
Ainsi, il est possible de doubler le nombre de voix auquel donne droit une action de préférence ou au contraire de restreindre à certaines décisions l’exercice du droit de vote pour les limiter aux seules décisions concernant les porteurs d’actions de préférence. Ainsi, les parties pourront, par exemple, aménager le droit pour l’assemblée spéciale des actionnaires de préférence d’approuver la désignation de tout commissaire aux comptes de la société.
Le droit de vote peut être suspendu temporairement, c’est notamment le cas lorsque est prévue une clause dite « de stage » qui suspend le droit de vote d’un nouvel actionnaire le temps pour lui de mieux connaître la société ou le droit de vote de l’ensemble des actionnaires de préférence peut être plafonné à un niveau maximum.
Le droit de vote peut aussi être supprimé mais les sociétés ne peuvent, à peine de nullité de l’émission, émettre des actions de préférence sans droit de vote au-delà du quart du capital social pour les sociétés cotées et de la moitié du capital social pour les sociétés non cotées.
Pour autant, l’article L 228-11 du Code de commerce assorti la liberté d’aménagement du droit de vote d’une réserve, celle du respect des dispositions des articles L. 225-122 à L. 225-125 du Code de commerce. Cette réserve revient à l’interdiction des droits de vote « multiple ». Ainsi les 20% du capital social constitué d’actions de préférence peuvent donner droit à 40% de droit de vote (doublement autorisé) ou à aucun droit de vote lorsque ce droit est supprimé ou suspendu (suppression totale pour la vie de la société ou pendant une certaine durée) mais ne peut donner droit à 30% de droits de vote (sous les exceptions visées ci-dessus le droit de vote doit être proportionnel à la proportion du capital social détenu).
Les modifications du capital social
Enfin, afin de permettre aux porteurs d’actions de préférence d’assurer la cohésion de leur catégorie, il peut être stipulé des clauses de contrôle des cessions d’actions de préférence - clause d’agrément, clause de préemption, clause d’inaliénabilité temporaire, clause de cession conjointe… - et ce, à l’intérieur d’une même catégorie d’actions de préférence ou entre catégories différentes.
On retrouve ici les habitudes de rédaction des pactes d’actionnaires conclus lors de l’entrée d’un investisseur financier. L’actionnaire dirigeant pourra, par le biais de clauses de préemption qui lui seront réservées, contrôler l’entrée au capital de la société. De même, l’investisseur financier pourra négocier un droit de préférence sur le prix de cession de l’ensemble des actions de la société en cas de cession de contrôle à un tiers, de façon à fixer, dès son entrée au capital, la rentabilité minimum qu’il attend de son investissement. A l’inverse le dirigeant pourra plafonner la rentabilité de l’investisseur financier et se réserver une part plus importante d’une cession de contrôle lorsque la rentabilité attendue par le financier aura été obtenue.
Pour ces stipulations également, l’insertion statutaire offre une meilleure sécurité juridique, toute cession réalisée en violation de ces clauses sera sanctionnée de nullité alors que cette même clause, insérée dans un pacte d’actionnaires, ne permet aux parties lésées que d’obtenir des dommages et intérêts, dont l’évaluation est toujours difficile.
En définitive, les statuts détaillant les droits et obligations des actionnaires de préférence pourront remplacer, sauf obligation de confidentialité, la rédaction des pactes d’actionnaires et constituer le véritable sujet de négociation entre actionnaire dirigeant et investisseurs financiers.
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