La notion de « dépôt de bilan » que l’on entend encore trop souvent de la bouche de dirigeants soucieux de recourir à ces procédures judiciaires, qu’ils ne comprennent généralement pas, car peu informés de ce qu’elles renferment.
La Loi de sauvegarde tente d’apporter des solutions plus préventives pour éviter que la société ne soit dépecée ou liquidée.
Elle cherche à concilier les intérêts divergents : à protéger le dirigeant pour l’inciter à réagir de façon préventive pour sauver sa société, mais également les créanciers motivés par le recouvrement de leurs créances. Le repreneur d’entreprise peut certes reprendre une société en difficulté mais aussi envisager de reprendre une société « in bonis » même si elle peut présenter quelques difficultés à résorber.
C’est la fameuse société qui n’est pas encore en « cessation des paiements » mais qui selon la nouvelle formule d’ouverture de la procédure de sauvegarde « justifie de difficultés, qu’il n’est pas en mesure de surmonter de nature à le conduire à la cessation des paiements ». Cet intérêt pour l’investisseur aujourd’hui est tel que le capital investissement s’y intéresse de façon significative. Certes toujours dans un esprit de reprise majoritaire, quoique l’idée se dessine aussi en fonction de la gouvernance, de prendre des participations minoritaires, ce qui rend attractif pour le chef d’entreprise l’entrée d’un tiers à son capital, et certains fonds s’y intéressent de façon réelle.
La loi de 1985 distinguait nettement les mesures de préventions et les procédures Judiciaires : la frontière était l’éternel notion de cessation des paiements définie comme « l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible » bien que la controverse sur la définition de cette notion ait fait couler beaucoup d’encre, le législateur n’ayant jamais voulu s’attarder sur les critères de cette définition.
Les nouvelles règles de détermination de la période suspecte dans le cadre de la nouvelle loi ne font plus de la cessation des paiements ou de son absence une stricte ligne de partage entre les procédures amiables et judiciaires de traitement des difficultés des entreprises. Jusqu’alors la procédure était organisée de la façon suivante :
Puis la cessation des paiements faisait son apparition
La loi du 26 juillet 2005 (modifié en Juillet 2014) a brouillé les pistes : la société peut désormais être en état de cessation des paiements (moins de 45 Jours) et pourtant solliciter l’ouverture d’une procédure préventive et confidentielle : la CONCILIATION.
La société peut, ne pas être en cessation des paiements et solliciter pourtant l’ouverture d’une procédure de sauvegarde.
Cette notion de cessation des paiements n’est plus un repère et navigue désormais dans toutes les procédures : le but du législateur étant désormais de prévenir les difficultés très en amont, de déplacer le curseur, d’inciter la restructuration.
Le législateur conscient des angoisses du dirigeant allège le sort des dirigeants et l’incite à s’entourer de conseils diligents qui sauront l’aiguiller à travers l’arsenal des nouvelles mesures.
L’heure n’est plus au dirigeant malhonnête mais au dirigeant malchanceux confronté aussi à la mondialisation et à la délocalisation de l’industrie vers d’autres pays plus compétitifs.
Aujourd’hui, la procédure offre aux dirigeants et aux repreneurs un panel de choix procédural pour favoriser le redressement de l’entreprise et l’investissement.
Le dirigeant est au centre de la réforme. Il en est le pivot pour l’inciter au redressement dans un esprit d’ouverture. Le repreneur doit être conscient qu’il doit concilier avec lui pour qu’ensemble une dynamique de redressement de l’entreprise se mette en place.
Le législateur cherche à privilégier le plan de continuation pour permettre au dirigeant de rester maître de son entreprise mais il permet aux repreneurs d’investir dans des sociétés qui sont saines et dans lesquelles manquent trop souvent les « éternels » fonds propres.
L’entreprise présentant de simples difficultés de nature très variée, échappe désormais à l’image noire de l’irréversibilité de situation et représente désormais une cible certaine pour des repreneurs qui jusqu’alors ne s’intéressaient qu’aux sociétés « in bonis ».
La place de l’investisseur en capital devient une opportunité de croissance tant pour l’entreprise qui a besoin de liquidité face à une malheureuse démission de la banque classique prise par ses nouvelles contraintes (Bâle 3) que pour l’investisseur qui cherche à investir.
La loi de Sauvegarde propose les dispositions suivantes :
I - LE MANDAT AD HOC
Seul le dirigeant peut en faire la demande au Tribunal avant toute cessation des paiements, et cette procédure est strictement confidentielle. Cette procédure totalement confidentielle permet de négocier des délais ou des remises avec les créanciers, et offre aux investisseurs la possibilité à ce stade de se joindre autour de table pour rentrer dans la société.
Le mandat Ad’Hoc débouche souvent sur l’ouverture d’un règlement amiable, nouvellement dénommé Conciliation. Il est souvent le moyen de préparer la suite des événements.
II - LA CONCILIATION
L’entreprise doit se placer en conciliation tout en étant en cessation des paiements avant toute procédure lourde. La durée maximun est de cinq mois (4 mois avec une possibilité de prorogation d’un mois). Le Conciliateur a une mission plus directive que le mandataire ad hoc : il peut être l’initiateur de propositions plus larges que celle de la recherche d’un accord entre débiteur et créancier.
La réforme permet désormais aux créanciers fiscaux et sociaux d’accorder des remises de dettes sous certaines conditions, sur le principal lorsqu’il s’agit de l’impôt direct et sur les pénalités et intérêts de retard quelque soit l’impôt.
Avoir le choix entre la constatation ou l’homologation de l’accord :
Ainsi, les apports nouveaux en trésorerie ou en nature, fourniture d’un bien ou d’un service, consentis dans l’accord homologué bénéficie du privilège d’être payés avant toute créances nées avant l’ouverture de la conciliation. Le privilège n’est accordé que si l’accord a fait l’objet d’un jugement d’homologation. Le but est d’éviter l’ouverture d’un redressement judiciaire. Toutes poursuites individuelles ou action en justice de la part des créanciers partis à l’accord est suspendu pour la durée de l’accord. En cas d’inexécution de l’accord, le tribunal prononce sa résolution. Là encore, à ce stade de la procédure, des repreneurs peuvent s’intéresser à la société et proposer d’entrer au capital de la société.
III - LA SAUVEGARDE
Instituer une procédure de redressement judiciaire anticipée, c’est à dire intervenant avant la cessation des paiements.
Cette procédure débute par une période d’observation avec nomination d’un administrateur qui assistera ou surveillera le débiteur (facultative si l’entreprise ne dépasse pas 20 salariés, ou ne réalise pas plus de 3 millions d’affaires HT par an.)
La sauvegarde donne lieu « à un plan arrêté par jugement à l’issue d’une période d’observation »
L’objectif est de faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif.
La sauvegarde ressemble au redressement judiciaire actuel et on y retrouve : l’interdiction de paiements de certaines créances, l’arrêt des poursuites individuelles, la priorité de paiement accordée à certaines créances, la présence de l’administrateur judiciaire, du mandataire judiciaire et du juge commissaire.
Une sorte de procédure pour prévenir la cessation des paiements et qui permet la restructuration de l’entreprise par l’entrée possible d’investisseurs.
La sauvegarde a été instituée dans l’intérêt de l’entreprise et de son dirigeant : elle organise une certaine immunité du dirigeant en tant que garant ou gérant de l’entreprise. On l’aura donc compris la société n’est pas en cessation des paiements et elle peut profiter de cette procédure pour aménager certaines difficultés et organiser sa restructuration. La participation des créanciers est organisée, via la création des comités de créanciers : le comité des établissements de crédit et le comité des fournisseurs (sont membre de droit ceux qui représente plus de 5% du total des créances fournisseurs).
LE PLAN DE SAUVEGARDE :
Le plan peut adopter la continuation, l’arrêt, l’adjonction ou la cession d’une ou de plusieurs activités.
Il est arrêté par le Tribunal après une période d’observation au cours de laquelle a été établi un bilan économique, social et environnemental de l’entreprise.
Le plan peut prévoir :
Dans le cadre d’un plan de sauvegarde, la remise de dettes fiscales est possible sous certaines conditions et favorise ainsi le redressement.
IV - L’OUVERTURE DU REDRESSEMENT JUDICIAIRE
Si la société est indéniablement en cessation des paiements et si les conditions ci-dessus ne peuvent lui être applicables, la société fera l’objet de l’ouverture d’un redressement judiciaire avec pour objectif la poursuite de l’activité de l’entreprise, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif.
L’objectif étant l’élaboration d’un plan à l’issue de la période d’observation.
Les règles applicables pour la sauvegarde sont pour l’essentiel rendues applicable en redressement judiciaire. La sauvegarde devient le modèle de référence de la législation nouvelle. Les créanciers dont la créance est née postérieurement à l’ouverture de la procédure que ce soit de sauvegarde ou de redressement judiciaire ont une position comparable aux ex-créanciers.
Il s’agit donc toujours d’un privilège de règlement prioritaire dont les banques pourront bénéficier, ce qui les incitera tant dans le cadre de la sauvegarde que du redressement judiciaire à accorder des prêts ou avances en trésorerie nouveaux.
En d’autres termes, le but étant d’éviter l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, on privilégie le créancier qui aura le courage de « concilier ». La procédure de conciliation apparaît clairement favorisée.
Futur l’entreprise
* Le plan de continuation :
Si la continuation est envisagée, l’administrateur propose le règlement du passif par des délais de paiement ou des remises de dettes.
Les comités de créanciers existent également à ce stade.
Le plan permet d’alléger le passif et d’assurer le redressement ; il ne peut excéder 10 ans ou 15 ans pour un agriculteur et il est opposable à tous.
Toutefois, à la différence du plan de sauvegarde, les coobligés et les personnes ayant consenti un cautionnement ou une garantie autonome ne peuvent se prévaloir du plan de redressement.
* La cession de l’entreprise :
La cession de l’entreprise à un repreneur de tout ou partie de l’actif et des salariés de l’entreprise est possible à ce stade de la procédure.
La cession peut être totale ou partielle si le débiteur est dans l’impossibilité d’en assurer lui-même le redressement.
La cession est soumise aux dispositions applicables en liquidation judiciaire.
On a supprimé la notion de cession d’unité de production et introduit une concurrence entre la cession partielle de l’activité et la cession globale ou partielle de l’entreprise.
Ainsi, la cession de l’entreprise peut intervenir à tous les stades : en sauvegarde, en redressement judiciaire ou en liquidation.
Le mandataire (administrateur ou liquidateur) reçoit les offres et donne son avis.
Les obligations du repreneur sont maintenues.
Le Tribunal retient l’offre qui permette dans les meilleures conditions possibles d’assurer durablement l’emploi attaché à l’ensemble cédé, le paiement des créanciers.
V - LA LIQUIDATION
Si le redressement de la société ne peut être envisagée, le débiteur fera l’objet d’une liquidation judiciaire, soit directe dès l’ouverture de la procédure si aucune chance de survie ne se dessine, ou suite à l’échec de l’une des modalités visée ci-dessus.
A titre d’exemple, en l’absence de conciliation dans les 45 jours de la cessation des paiements ou si le débiteur est en état de cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.
La société peut aussi être cédée totalement ou partiellement.
Conclusion
La pratique permet de constater que la restructuration de l’entreprise intervient de plus en plus au stade de la conciliation ou de la sauvegarde par l’entrée de nouveaux partenaires.
La réforme des procédures collectives est ainsi une occasion nouvelle pour les investisseurs d’étendre leur possibilité d’investissement.
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