Prenons la situation d’un dirigeant et actionnaire (le « fondateur ») d’une PME prospère et en pleine croissance, qui n’envisage pas de prendre sa retraite dans un proche avenir, mais
souhaite néanmoins, après des années d’effort consacrées au développement de son entreprise, à la fois réaliser une partie de son actif professionnel pour sécuriser sa situation patrimoniale
personnelle, encourager la montée en puissance d’une équipe de cadres dirigeants et doter sa société de moyens financiers et humains nouveaux en vue de consolider sa position dans son secteur
d’activité.
La cession immédiate de la société, dans une telle situation, constituerait à l’évidence une réponse inappropriée car prématurée.
Alternativement, le fondateur pourra alors envisager d’ouvrir le capital de sa société, tout en demeurant l’actionnaire majoritaire, à ceux des cadres de la société identifiés comme
« hommes-clés » et à des investisseurs en capital (« partenaires financiers ») qui vont lui permettre de capitaliser sur son actif et vont l’accompagner dans le développement
futur de sa société dans le cadre d’une opération d’OBO (Owner Buy-Out). L’OBO est l’une des nombreuses formes de LBO (Leverage Buy
Out), mise ici au service du dirigeant et actionnaire.
Comme dans tout LBO, l’OBO mettra en présence quatre acteurs principaux :
- le fondateur (dirigeant et actionnaire majoritaire de la cible),
- le partenaire financier (investisseur en capital),
- les cadres dirigeants et,
- la banque prêteuse.
Si de prime abord, il n’est pas évident que les intérêts propres de chacun de ces intervenants se rejoignent, il se trouve que la France offre (encore) un environnement juridique et fiscal qui
permet de faire converger les intérêts des uns et des autres, sous réserve d’en faire une juste application et de trouver un équilibre entre les aspects stratégiques, patrimoniaux, financiers,
fiscaux et juridiques.
Les principaux leviers
Le principe de l’OBO permet d'endetter une société "holding" (holding de reprise) créée pour l'occasion afin d'acquérir la société, que l'on appellera "société
cible".
Exemple
Une société réalisant un résultat avant impôt de 7M€ valorisée 50M€ (7 x EBIT).
Le fondateur envisage de réaliser son actif à hauteur de 20M€ (cash-out), soit 40% du capital de sa société.
Un partenaire financier, intéressé pour entrer au capital de cette société, se déclare prêt à investir 11 M€.
Une banque accepte de prêter le solde de 9M€.
Le fondateur apportera au holding de reprise le solde des actions qu’il détient pour une valeur de 30M€. Parallèlement, un schéma juridique sera mis au point pour permettre aux cadres dirigeants
d’accéder au capital du holding de reprise.
=> le capital du holding de reprise (41M€) sera détenu à 73,2% par le fondateur et à 26,8% par le partenaire financier.
=> Le cash-out de 20M€ réalisé par le fondateur sera financé à hauteur de 11M€ par le partenaire financier et de 9M€ par la dette bancaire.
=> Cette opération permet au fondateur de céder 40% du capital de sa société tout en restant actionnaire à plus de 73% du holding de reprise.
L’effet de levier (« leverage ») lié à la dette bancaire est ici de trois ordres :
-
le levier financier : le partenaire financier a pu acquérir 26,8% du capital d’une société valorisée 50M€ en n’apportant que 11M€. Pour la même somme investie dans
la cible, sans endettement bancaire, le partenaire financier n’aurait acquis que 21,5% de la cible. Le levier financier est ici très prudent (une dette de 9M€ pour un EBIT de 7M€) et pourrait
être amélioré sans prendre de risque inconsidéré.
-
le levier juridique : le fondateur continuera de détenir une forte majorité au capital du holding de reprise (73,2%) alors qu’il a cédé 40% du capital de la cible. Le
pourcentage de participation du fondateur au holding de reprise sera, le cas échéant, réduit à concurrence de l’entrée au capital des cadres dirigeants.
-
le levier fiscal : l’option pour l’intégration fiscale entre le holding de reprise et la cible qu’il détient à 100%, permettra de compenser les intérêts sur la dette bancaire
et les résultats bénéficiaires de la cible (sous réserve de l’application de l’amendement « Charasse », cf. infra).
Les clés du succès
Il est nécessaire d’avoir un projet d’entreprise partagé entre le fondateur, les managers et les investisseurs pour instaurer un véritable rapport de partenariat : Stratégique :
développement de nouveaux produits, recherche et développement, ouverture sur de nouveaux marchés, marketing, investissements significatifs, opérations de croissance externe.
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Humain
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Définition d’un nouvel équilibre au sein de l’équipe dirigeante présentant des compétences en adéquation avec le projet d’entreprise. L’OBO sera le plus souvent une
étape dans la vie de l’entreprise permettant aux cadres de l’entreprise d’accéder au capital soit immédiatement (apports en capital rémunérés par des titres du holding), soit de
manière différée (attribution de bons de souscriptions d’actions, de bons de créateurs d’entreprise, attribution de stock-options ou d’actions gratuites). L’OBO sera alors envisagé
comme un moyen d’assurer la transition entre l’actuel dirigeant et la montée en puissance d’une nouvelle équipe dirigeante, en mesure de prendre sa succession lorsque
le dirigeant actuel décidera de se retirer (par exemple à la sortie de l’OBO).
-
Définition des rôles respectifs du fondateur, des managers et des investisseurs : l’arbitrage retenu déterminera en premier lieu la forme
sociale du holding de reprise (SA ou SAS) et l’organisation du pouvoir (système moniste ou bicéphale, droits de véto,…). Les statuts seront nécessairement complétés par un pacte
d’actionnaires qui aura pour objet de fixer non seulement les règles de gouvernance mais aussi les règles de sortie de l’OBO (clauses de cession
libre et d’incessibilité, clause anti-dilution, pouvoir d’initier la cession future du contrôle de la société, droit de préemption, clause de sortie conjointe ou « tag
along », obligation de sortie conjointe ou « drag long », clause de liquidité, clauses de « good » et « bad leaver » …).
Cible bénéficiaire : la société cible doit bien entendu être une société bénéficiaire mais, au-delà, elle doit aussi recéler une réserve de croissance à moyen terme
pour offrir à l’investisseur financier la perspective d’un rendement supérieur aux taux bancaires.
Financier : choix de participer à une opération que les investisseurs jugent rentable en prenant un risque maîtrisé dans laquelle le projet d’entreprise continue d’être
porté par le dirigeant actuel (spécialisation des investisseurs par secteurs d’activité).
La fiscalité de l’OBO
Conséquences fiscales immédiates
-
Titres cédés : la cession des titres de la cible par le fondateur entraînera l’imposition de la plus-value ainsi réalisée à l’impôt sur le revenu au taux de 12.8%,
auquel s’ajouteront les prélèvements sociaux (CSG, CRDS et prélèvement social) au taux de 17,2%, soit un taux global de prélèvements de 30.0%.
-
Titres apportés : la plus-value attachée aux titres de la cible apportés au holding de reprise bénéficie d’un sursis automatique d’imposition (art. 150-0B du CGI).
En contrepartie, le fondateur devra ultérieurement calculer la plus-value de cession des titres du holding de reprise et acquitter l’impôt correspondant par différence avec la valeur
qu’avaient les titres de la cible à la date de réalisation de l’OBO.
-
Donation de titres : à l’occasion d’un OBO, le fondateur pourra saisir l’opportunité qui lui est ainsi donnée de transmettre une partie de son patrimoine à ses
enfants en effectuant des donations de titres à ses enfants, sans aucune fiscalité si la valeur des titres donnés n’excède pas le montant de l’abattement applicable sur les donations en ligne
directe, soit 159.325€ par enfant en 2011. Il privilégiera la donation de titres de la cible (préalablement à l’OBO) à ses enfants majeurs. Les titres reçus seront cédés par les enfants au
holding de reprise, leur permettant ainsi d’appréhender immédiatement une partie du cash-out. En présence d’enfants mineurs pour qui l’appréhension immédiate du cash semble moins opportune,
le fondateur pourra opter pour la donation de titres du holding de reprise (postérieurement à l’OBO), sous réserve que cette faculté ait été acceptée par le partenaire financier. Cette
donation aura pour effet de « purger » la plus-value en sursis d’imposition constatée lors de l’apport des titres de la cible au holding de reprise. La donation des titres
du holding pourra en outre, si la durée de vie envisagée de l’OBO est d’au moins 6 ans, être consentie dans le cadre d’un engagement collectif de conservation des titres (« Pacte
Dutreil ») et ainsi bénéficier d’un abattement supplémentaire de 75% sur la valeur de la donation.
Lorsque les titres donnés sont ceux de la cible, la donation devra intervenir en amont de tout accord ferme et définitif sur la vente des titres pour éviter toute remise en cause de la validité
de la donation par l’administration fiscale. Par ailleurs, la donation suppose une réelle intention libérale, qui interdit tout mécanisme qui permettrait au donateur de se réapproprier
ultérieurement le produit de la vente des titres donnés.
Conséquences fiscales pour le groupe formé par le holding et la cible
-
Intégration fiscale : le holding de reprise détenant 100% du capital de la cible peut valablement opter pour le régime de l’intégration fiscale. Dans ce régime, où
les sociétés membres sont vues comme une seule entité fiscale au regard de l’impôt sur les sociétés, les déficits du holding liés aux intérêts sur la dette d’acquisition,
vont être compensés avec les profits de la cible limitant ainsi la charge fiscale du groupe. Les effets de l’intégration fiscale sont cependant atténués dans le cadre d’un OBO en
application d’un dispositif anti-abus connu sous le nom « d’amendement Charasse », qui interdit la déduction des intérêts du groupe pendant 9 ans lorsque la société a été
acquise auprès des actionnaires qui contrôlent le groupe (hypothèse du « rachat à soi-même), ce qui est précisément la situation dans un OBO où le fondateur demeure majoritaire. Il faut
cependant observer que les effets du dispositif anti-abus sont eux-mêmes atténués à concurrence du cash apporté en capital par le partenaire financier.
-
Exonération des dividendes versés au holding : le remboursement de la dette bancaire logée dans le holding de reprise sera principalement assuré par les dividendes
mis en distribution par la cible. Ces dividendes seront (à condition que les titres soient conservés au moins 2 ans par le holding) exonérés d’impôt sur les sociétés en application du
régime mère-fille, seule une quote-part forfaitairement fixée à 5% du dividende reçu demeurant imposable à l’impôt sur les sociétés, soit un taux effectif d’impôt de l’ordre de
1,7%.
- « Activation » du holding de reprise : la mise en œuvre du LBO induira nécessairement des frais correspondant principalement
aux honoraires de conseils (avocats, intermédiaires ayant permis la mise en relation entre le fondateur et le partenaire financier,…) honoraires du commissaire aux apports, etc… qui vont être
facturés au holding de reprise. Ces frais seront facturés par les différents prestataires avec de la TVA. Cette TVA ne pourra être récupérée par le holding que si celui-ci exerce une activité
assujettie à la TVA. Il conviendra en conséquence et dans la mesure du possible de doter le holding de reprise d’une activité consistant dans la fourniture à la cible de prestations de services
(assistance administrative, financière, comptable, ressources humaines,…).
-
Sécurisation de l’outil de travail au regard de l’IFI : si le holding est destiné, comme dans la plupart des LBO, à accueillir et à rémunérer l’équipe dirigeante
(le fondateur, les cadres de direction et le partenaire financier), la préservation de l’exonération d’IFI du fondateur au titre de l’outil de travail impliquera que le holding assume un rôle
d’animation de sa filiale (et, le cas échéant, des nouvelles filiales qui viendraient à être créées ou acquises). Ce rôle trouvera sa traduction dans la conclusion d’une convention
d’animation dans laquelle sera précisément définie la nature des prestations fournies par le holding à sa/ses filiale(s) et par la facturation de prestations de management à ces dernières
(« management fees »).
-
Taxe sur les salaires : cette taxe est due par les sociétés dont au moins 90% du chiffre d’affaires n’est pas assujetti à la TVA, comme ce sera le plus souvent le
cas du holding de reprise. En effet, les recettes du holding assujetties à la TVA (prestations de services) représenteront la plupart du temps une part marginale en comparaison des produits
situés hors du champ d’application de la TVA (dividendes). Si cette problématique mérite un examen approfondi au cas par cas, il convient d’observer que le meilleur moyen de limiter le coût
de la taxe sur les salaires demeure à ce jour la constitution de secteurs distincts d’activité, un secteur « financier » pour la perception des dividendes et un secteur
« commercial » correspondant aux prestations de services, chacun des deux secteurs se voyant doter de moyens humains spécifiques. Dans un tel cas de figure, seules les rémunérations
versées au personnel affecté au secteur financier seront assujetties à la taxe sur les salaires, tandis que les rémunérations versées au personnel affecté au secteur commercial (équipe
dirigeante) y échapperont.
Voici en synthèse les principales problématiques fiscales soulevées à l’occasion d’un OBO. Chacune d’entre elles et d’autres, non évoquées ici, devront bien entendu faire l’objet d’un examen
approfondi au cas par cas, en fonction des accords conclus entre les parties (contrat de cession d’actions, garantie d’actif et passif consentie par le fondateur sur les titres cédés au holding,
pacte d’actionnaires, contrat de prêt,…).
Conclusion
L’OBO peut constituer une alternative à la vente de la société, en particulier dans un climat économique tendu où les repreneurs industriels se raréfient, sous réserve cependant d’en prévoir une
juste application, c’est-à dire de trouver un équilibre entre les aspects stratégiques, patrimoniaux, financiers, fiscaux et juridiques.
L’OBO n’est qu’une étape dans la vie de la société cible, appelée à durer entre 3 et 7 ans selon la croissance de la société et les opportunités de cession futures. Les clauses de liquidité
prévues dans le pacte d’actionnaire des partenaires financiers ne doivent pas entraîner la mise en vente obligatoire de l’entreprise à un moment que le fondateur ne jugerait pas opportun.
A l’issue de l’OBO, la société doit en ressortir au moins aussi forte qu’à l’entrée. En aucun cas, l’OBO ne doit se faire au détriment du développement de l’entreprise. Il devra au contraire
avoir permis d’en renforcer la croissance. Dans ces circonstances, la sortie de l’OBO offrira au fondateur le choix entre plusieurs voies : la cession de la totalité de sa participation en
même temps que son partenaire financier pour réinvestir le produit de la vente dans de nouvelles activités ou pour en jouir à titre personnel s’il décide de prendre sa retraite, le rachat de la
participation de son partenaire s’il décide de poursuivre seul, ou bien encore la participation à un OBO « secondaire » avec un nouveau partenaire traduisant une volonté plus affirmée
de désengagement du fondateur au profit de l’équipe dirigeante dont il aura favorisé l’accession au capital.
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