L'après cession se prépare avant
Préparer la transmission pour l'entreprise c'est avant tout la préparer pour les hommes et les femmes qui la composent. Se préparer, se laisser le temps de la réflexion pour le choix du repreneur, faciliter son intégration auprès de tous et pour la pérennité de l'entreprise.
Combien de temps faut-il à un repreneur pour liquider une société? Très provocatrice, cette question vaut la peine d'être posée au regard de ce qui arrive parfois.
Nous pensons à ce repreneur hautement qualifié en matière de gestion, disposant d'un capital de départ conséquent et se préparant à reprendre une entreprise industrielle (métallurgie) d'une vingtaine de personne. L'audit avait révélé des gains de productivité potentiels du fait d'une organisation générale de la production ancienne mais qui laissait l'entreprise attractive. Ayant négocié avec le cédant un départ immédiat, il s'est appliqué dès la première semaine à mettre l'ensemble de l'entreprise en coupe réglée, englobant dans un mouvement ample tous les services, de la comptabilité à l'atelier de production. Dans les semaines qui ont suivi, le responsable de production est parti à la concurrence avec 4 des meilleurs éléments. L'entreprise a été liquidée en 8 mois.
Au-delà de l'anecdote - qui a cependant coûté cher - c'est cette composante humaine qu'il faut prendre en compte. Le cédant ne peut et n'est jamais totalement insensible au devenir de son ancienne entreprise. Il en va aussi de son positionnement social. Même si la faute en revient de facto au repreneur, si la société est rapidement en difficulté après la cession, le cédant s'y voit prendre directement ou indirectement une part de responsabilité.
"Il n'a pas tout dit"; "il a vendu au bon moment!"; "On savait l'entreprise en fin de course... mais à ce point!". Autant de petites phrases assassines, inévitables mais qui perturbent, alors que le cédant est entré dans une nouvelle aventure.
Le choix du repreneur, pour la pérennité de l'entreprise, mais aussi pour soi-même est un élément important. Vaste sujet que la préparation de la transmission pour soi-même. C'est aussi un sujet délicat. Vaste, parce qu'il recouvre de nombreux domaines : la famille, le temps de vie, les amis, le relationnel professionnel, l'argent de la vente. Délicat car devant être abordé en amont de la cession et donc en parallèle de la préparation de la transmission de l'entreprise elle-même. Cette décision, n'est pas neutre dans le comportement au quotidien. Bien préparer son avenir est indispensable mais il ne faut pas que des comportements incidents viennent compromettre la finalisation de la transmission.
UN PROJET
Transmettre c'est avant tout un projet.
Sur le plan technique, la cession va créer des flux financiers qu'il va falloir gérer, sur le plan juridique, fiscal mais aussi pour améliorer sa retraite ou réaliser des "rêves" ou des envies jusque-là restées dans la tête ou les tiroirs. C'est aussi et surtout un projet de vie. L'appropriation de l'idée d'une autre vie tout aussi dense mais différente. Le temps cette fois est un allié dans la préparation.
Un projet financier
Le projet, sur le plan financier, est un faux ami. Comment?
Ce n'est pas l'utilisation de ce capital qui pose problème mais l'idée même que l'on se fait du montant de ce capital. La cession d'une entreprise, même si ce n'est pas un acte de vente ordinaire, reste le produit d'une négociation. Se fixer un prix, consciemment ou inconsciemment, et construire un projet autour de l'utilisation de ce capital, à ce niveau de prix, peut interférer sur la cession.
C'est bien ce qui a mené à l'impasse bon nombre de cédants. Dès le début, le cédant "novice" s'était imaginé - grand négociateur parmi les négociateurs - que le haut de la fourchette d'évaluation de son entreprise n'était pas seulement accessible, mais un minimum. Echaffaudant un vaste projet d'investissement pour "préparer ses vieux jours" il n'avait de cesse de dire que ce prix était immuable. Certains diront que c'est une erreur grossière et que l'évidence est de se préparer à la négociation la plus haute mais d'être prévoyant quand au projet financier qui en résulte. C'est de la bonne gestion, nous en sommes d'accord. Mais psychologiquement, le fait de disposer d'un capital disponible élevé, induit obligatoirement une transformation dont il faut être conscient. La démarche personnelle sur ce plan n'est pas évidente. A fortiori quand l'environnement immédiat (famille, amis...) laisse à penser que dans l'histoire c'est le repreneur qui pourrait bien faire "la bonne affaire". On n'est jamais seul dans cette aventure. Rappelez-vous : "protégez-moi de mes amis, mes ennemis je m'en charge!"
Un projet de vie
Il n'est pas ici question de débattre sur la préparation à la situation de retraité, tant enviée par les actifs et tant redoutée quand l'heure a sonnée.
La question est plutôt liée à la situation de chef d'entreprise, à son fonctionnement au quotidien et à la place qu'il octroie ou concède en dehors et à coté de l'entreprise à d'autres activités.
C'est évidemment pour le dirigeant un changement profond. Changement de rythme, bien sûr, mais aussi changement de centres d'intérêts, changement de statut et de positionnement social. Il faut s'y préparer. Mais il faut aussi préparer et s'y préparer avec son immédiat entourage. Ne noircissons pas le tableau exagérément. Fort heureusement de nombreux anciens chefs d'entreprise coulent des jours heureux, souvent avec des activités enrichissantes et très impliqués dans le monde économique. Mais c'est une dimension de l'opération de transmission à ne pas négliger.
Un état d'esprit
Dans les faits, il s'agit évidemment d'un état d'esprit.
Certains l'avouent, pour eux, se retirer ou partir de l'entreprise "c'est une petite mort". Ces gens-là ne sont pas vendeurs.
Prenons l'exemple d'une entreprise familiale de négoce dont l'actuel dirigeant va sur ses 75 ans. Fier, dans la lignée familiale, il a pris les reines de l'entreprise à 54 ans alors que son père entrait dans sa 80éme année. Il n'a pas de successeur désigné, les enfants installés dans d'autres métiers ayant décliné l'offre, et l'entreprise est apparemment à vendre. Les derniers repreneurs en date n'ont pas finalisé, se heurtant à des clauses immobilières ineptes qui bloquent systématiquement la négociation.
C'est un état d'esprit. Un chef d'entreprise est avant tout un créateur, un homme de projet. Ce n'est pas une petite mort mais un autre chemin.
Construire, encore et toujours, pour soi, pour sa famille, pour les autres. Avec d'autres contraintes peut-être mais différentes, une pression au quotidien moindre. Un autre chemin où l'envie doit être reine.
LES BONNES QUESTIONS
Il y a une multitude de questions à se poser quand on se prépare à transmettre son entreprise mais il y a surtout quelques questions incontournables.
Enfin, sur le plan personnel, une règle fondamentale à laquelle on ne doit pas déroger : NE PAS SE MENTIR.
Pour en être arrivé là, le cédant sait que cette intégrité intellectuelle et affective est une force. À l'aube d'un nouveau parcours, il ne doit pas s'en écarter: il en va de sa survie.
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