L’audit d’acquisition d’une entreprise en difficulté

Une entreprise en difficulté  répond en général aux critères suivants :

  • Volume d’activité en forte baisse,
  • Rentabilité historique dégradée,
  • Difficultés de trésorerie & niveau d’endettement assez important.

En ce sens une société en difficulté n’est pas forcément en phase de procédure collective.

 

Dans le cas d’un audit d’acquisition d’une entreprise en difficulté les questions sont de savoir pourquoi il y a eu dégradation,  quels sont les risques, et in fine si la cible  peut être redressée. 

 

La due diligence  va donc privilégier certains points :

  • La formation du résultat,
  • La détermination d’une rentabilité normative,
  • L’utilisation de la trésorerie et les financements.

Business model et environnement économique

 

Il faut comprendre et appréhender le business model et la stratégie de la société afin de pouvoir orienter l’audit de la cible. Une fois cette analyse réalisée , il est  plus simple de déceler les éléments ayant eu des impacts négatifs significatifs en termes de rentabilité et d’analyser la formation du résultat. 

 

Formation du résultat et facteurs clés de succès

 

La première étape est l’examen des comptes de la société en termes d’historique et la mise en évidence des variations des principaux indicateurs de performance que sont le chiffre d’affaires, la marge brute, l’EBITDA.

 

Chiffre d’Affaires et Marge Brute

 

L’analyse de l’évolution du chiffre d’affaires dans le cadre d’une entreprise en difficulté privilégie l’examen d’un mix prix-volume  sur la base de données historiques et par nature de produits ou services.

 

Il faut distinguer principalement 2  causes de dégradation :

  • Les unes imputables à des éléments « structurels » inhérents à la vie d’une société  (pertes de clients, nouveau concurrents, produits en fin de vie…):
  • Les autres imputables à une nouvelle stratégie qui a échouée (lancement, politique commerciale inadaptée, produit inadapté in fine etc…)

L’analyse de l’évolution de la marge brute, indicateur de base en termes de performance sur une base pluriannuelle permet de mesurer à partir de quand la dégradation est devenue trop importante et a impacté directement le niveau de rentabilité final de la société.

 

Cette analyse de la  marge brute est  réalisée par services ou produits, une difficulté pratique réside  dans le fait que toutes les sociétés (loin s’en faut) ne disposent pas d’une  comptabilité analytique ou de systèmes de reporting détaillés. 

 

Les travaux de due diligence sont donc plus importants en termes d’analyse si l’on veut connaître l’origine réelle des difficultés, ce qui est absolument nécessaire et extrêmement sensible dans le cas présent.

 

L’analyse de la marge brute ne constitue qu’une première étape. Il est nécessaire par la suite de travailler sur les autres éléments (notamment les coûts d’exploitation) permettant d’arriver jusqu’à l’EBITDA.

 

EBITDA et rentabilité normative

 

La rentabilité normative, c’est la rentabilité que devrait dégager une société en vitesse de croisière. Cela signifie que :

  • la taille de la société est adaptée à son volume d’affaires (chiffre d’affaires)
  • la gestion réalisée est en ligne avec la stratégie et les objectifs
  • on a éliminé les éléments non récurrents de l’analyse

l’EBITDA (Earnings Before Interests Taxes Depreciation & Amortization), mesure la performance économique de la société, sans impact des éléments non monétaires.

 

Elle constitue une première approximation des cash flows d’exploitation (la variation du BFR n’étant pas incluse).

 

La question essentielle pour un investisseur qui envisage d’investir dans une entreprise en difficulté est de savoir si celle-ci est capable de générer une rentabilité normative satisfaisante ou  au contraire si ces difficultés apparaissent structurelles et donc difficiles à redresser.

 

Peut-on mettre en évidence des leviers, des points d’appui qui permettent de  restaurer un niveau de rentabilité, de trésorerie suffisant ?

 

L’examen  des coûts d’exploitation passe par  une revue détaillée des variations anormales de coûts  par rapport au business model. Dans un premier temps les coûts liés au business model doivent faire l’objet d’une revue en corrélant ceux-ci avec la stratégie de la société et en les comparant avec la stratégie définie à l’origine. Ceci permet de comprendre dans quelle mesure  le business model, n’a pas été exécuté et  les facteurs clés de succès n’ont pas été mis en œuvre.

 

Il reste ensuite à analyser l’évolution des autres coûts, non lié au business model, afin précisément de comprendre pourquoi ils ont varié de manière importante alors qu’ils ne sont ni décisifs, ni significatifs a priori. Les causes doivent être étudiées de manière détaillée car cela  peut révéler dans certains cas  une mauvaise maîtrise des coûts, des processus d’autorisations non suivis voire des erreurs de gestion .

 

La revue de ces coûts va mettre en exergue dans le cas d’entreprises en difficulté soit :

  • Des éléments n’ayant eu qu’un caractère ponctuel,
  • Des éléments pouvant constituer des leviers.

Les éléments non récurrents

 

Les éléments non récurrents  (charges ou produits) n’ont pas vocation à revenir d’une année sur l’autre et  résultent de décisions, ou de circonstances spécifiques, ayant, au cas d’espèce, dégradé la rentabilité de la société.

 

A titre d’exemple :

  •  Appel aux services d’un consultant pour un projet spécifique,
  •  Coûts liés à des opérations structurelles lourdes (implantation à l’étranger…).

Ces éléments sont dès lors être retraités dans le cadre de la détermination de la rentabilité normative, ils ne sont pas pris en compte dans l’évaluation de la cible.

 

Les leviers 

 

Les leviers sont, au contraire des éléments non récurrents,  des points d’appui à partir desquels on peut agir. Cela peut passer par une adaptation de la structure de la société, de sa taille, un recadrage de certains de ces coûts.

 

Par exemple le niveau des  coûts d’approvisionnements est il renégociable ? Les coûts d’intérim peuvent ils être adaptés ? Certains contrats non stratégiques sont ils nécessaires à l’activité, si ce n’est pas le cas viennent ils bientôt à échéance ? Une politique plus précise d’encadrement des dépenses (autorisations) permettrait elles de réduire certains coûts ?  

 

Certains actifs sont ils jugés nécessaires ou au contraire peuvent ils être cédés ?

 

Les coûts de personnel font l’objet d’une revue approfondie car leur niveau est souvent important :

  • Les avantages spécifiques,
  • Contrats de travail,
  • Convention collective,
  • La politique de primes,
  • Les éventuels systèmes d’intéressement,
  • Engagement de départ à la retraite,
  • Organigramme

En ce qui concerne le chiffre d’affaires, dans certains cas son analyse peut révéler des réservoirs de rentabilité,  par exemple  des produits « vaches à lait «  produisant des revenus récurrents qui pourraient par exemple devenir une base de développement.

 

Dans le cadre de l’analyse du chiffre d’affaires, et pour porter  un jugement critique sur les prévisions de la société et sa continuité d’exploitation, il faut plus particulièrement porter une attention aux éléments suivants :

  • le carnet de commandes,
  • la  prospection en cours,
  • la qualité du portefeuille client.

Besoin en Fonds de Roulement (BFR), Financement et Hors Bilan

 

Comment a été générée et utilisée la trésorerie de la société ? Dans le cadre d’une société en difficulté il est primordial de comprendre de manière approfondie le processus de trésorerie.

 

L’analyse  du BFR constitue une première étape avant de déterminer quel serait le niveau normatif que l’on peut raisonnablement obtenir à court terme.

 

L’analyse des délais de règlement clients et fournisseurs doit être menée de manière plus analytique que traditionnellement. L’utilisation de ratios classiques n’a aucun intérêt ici. 

 

La détermination des délais de règlement réel et leur évolution nécessite de lier directement le niveau des ventes et/ou des achats aux soldes clients et fournisseurs (méthode DSO pour les clients, DPO pour les fournisseurs).

 

L’ appréciation de la recouvrabilité des créances clients est un point majeur. Après avoir estimé les véritables délais de règlement, une revue approfondie de l’antériorité et de la solvabilité des créances est nécessaire. En tout état de cause, une provision sera estimée en se basant soit sur l’historique, soit simplement en adoptant une règle, il est également possible que l’examen des comptes implique d’estimer des avoirs (e .g  non qualités, litiges).

 

L’analyse des stocks, porte sur les rotations par article (dans le cas de produits) et l’identification d’items à rotation lente (dits « slow moving ») voire morts. L’évaluation du niveau des stocks permet de déterminer les actions à mettre en œuvre pour  rétablir un niveau acceptable. 

 

Pour ce qui concerne les financements court terme (découverts, lignes de crédit etc…) on s’attachera d’une part à connaître  ligne par ligne et banque par banque quelles sont les conditions octroyées (taux, limites, autorisations) et d’autre part le niveau précis de  consommation de ces lignes (en partie, en totalité, les montants…) qui sont dans certains cas des leviers dans la mesure où il peut être plus avantageux  d’utiliser une ligne plutôt qu’une autre afin d’optimiser les coûts de financement.

 

Les emprunts eux font l’objet du même type d’analyse, complété par un point précis sur les échéances et une revue des contrats eux même, pour relever par exemple les garanties existantes sur l’emprunt, ceci dans le cadre de la revue du hors bilan.

 

En termes de trésorerie, il est primordial d’évaluer le risque de non paiement des dettes à travers une analyse de la situation globale de trésorerie. La société est elle concrètement capable de faire face à ses échéances  avec les prévisions de cash-flows ?

 

Combien de fonds est il nécessaire de réinvestir afin de lui permettre de disposer d’une situation pérenne en termes de financement ? La continuité d’exploitation est elle compromise ?

 

Enfin les litiges en cours sont recherchés d’une manière importante, leur évaluation reste un point que l’auditeur doit adresser en adaptant son jugement au contexte de la société mais aussi à son historique. 

 

La revue des principaux contrats de la société, i.e les contrats de vente, mais aussi les conventions de toute sorte, pactes d’actionnaires, revue des éléments juridiques etc…permet de disposer d’une synthèse des éléments hors bilan (cautions, engagements donnés, hypothèques etc…). Une fois ce diagnostic approfondi réalisé et dans la mesure où il serait décidé d’investir, il restera par la suite à se préoccuper du post-acquisition afin de s’assurer de la bonne exécution de la stratégie et surveiller les résultats.

 


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