Comment rédiger une offre de reprise à la barre ?

Si la crise économique multiplie les opportunités de reprise d’entreprises en difficulté, le succès de ce type très particulier d’acquisition requiert la maîtrise des techniques procédurales propres à cette matière et la réunion, dans le dossier d’offre, des critères qualitatifs prévus par la loi. (1)

 

L’objet du présent article est de rappeler sommairement les principes retenus par le tribunal en vue de l’acceptation d’une offre de reprise totale ou partielle d’une activité.

 

I - Critères qualitatifs d’une offre de reprise

 

  • Critères prévus par la loi

En vertu de l’article L642-5 du Code de commerce, le tribunal retient l'offre qui permet dans les meilleures conditions d'assurer le plus durablement l'emploi attaché à l'ensemble cédé, le paiement des créanciers et qui présente les meilleures garanties d'exécution. 

 

Cette disposition confirme, tout en la complétant, la rédaction de l’article L642-1 du même code qui dispose : "la cession de l'entreprise a pour but d'assurer le maintien d'activités susceptibles d'exploitation autonome, de tout ou partie des emplois qui y sont attachés et d'apurer le passif ". 

 

Il existe ainsi trois critères principaux.

  • La préservation de l’emploi

Il s’agit du critère prépondérant pour le tribunal. L’offre doit ainsi préciser le nombre de contrats de travail repris conformément à l’article L1224-1 du Code du travail ainsi que la liste des salariés concernés (les autres devant faire l’objet d’un licenciement économique dans les conditions autorisées par le plan et seront financés par le débiteur et/ou l’AGS). Elle doit également indiquer, s’il y a lieu, les restrictions appliquées par le candidat repreneur aux droits du personnel acquis au titre de la période antérieure à la date d’acquisition (notamment l’exclusion ou le plafonnement des congés payés). Elle peut enfin faire valoir la durée minimale pendant laquelle les emplois conservés sont sauvegardés même si la sanction d’une violation d’un tel engagement est illusoire.

 

Le tribunal appréciera le caractère sérieux des projections en matière d’emploi en fonction notamment du diagnostic de la situation de l’entreprise reprise, des prévisions d'activité, du projet de financement et surtout du plan social établi par le candidat à l’acquisition.

 

Le juge s’appuiera, à cette fin, principalement sur l’avis de l'administrateur ou, le cas échéant, du liquidateur et il est fortement recommandé au cessionnaire de rédiger le projet d’offre de reprise en relation étroite avec ce dernier. La position du débiteur et des représentants du personnel présente également une importance primordiale, notamment lorsque les principaux dirigeants et salariés de l’entreprise sont maintenus dans le cadre de l’acquisition envisagée.

  • Le paiement des créanciers

Il s’agit de la finalité seconde du plan de cession. Le prix des actifs cédés doit participer au désintéressement des créanciers (à tout le moins ceux disposant de sûretés suffisantes). 

 

Toutefois, aucune règle ne fixe les modalités de détermination du prix d’acquisition devant figurer dans une offre et, en pratique, son mode de calcul ainsi que son montant sont souvent peu déterminants pour le tribunal (2). Une offre à un prix peu élevé est ainsi susceptible d’être accueillie plus favorablement qu’une proposition concurrente a priori plus généreuse si la première apparaît davantage de nature à préserver l’emploi. Il est vrai que le "vrai prix" supporté par le cessionnaire doit tenir compte des charges reprises par ce dernier, notamment celles associées aux contrats de travail des salariés conservés.

 

Afin de garantir le respect des intérêts des créanciers, le tribunal prendra connaissance de l’avis du mandataire et recueillera les observations du ministère public et des contrôleurs.

  • Les garanties d’exécution

Nombre de tribunaux considèrent que l’octroi d’une garantie solide de règlement du prix de cession présentée dans une offre est un critère décisif même si celui-ci est payable immédiatement car elle rend compte du sérieux de la candidature. Ainsi, il est fortement conseillé d’insérer dans le dossier de reprise un acte de cautionnement bancaire. Lorsque le repreneur est un groupe présentant une solvabilité financière indubitable, il arrive que le tribunal renonce à cette exigence. 

 

II - Mentions devant figurer dans une offre de reprise

 

La loi énumère certaines informations devant impérativement figurer dans une offre de reprise. Toutefois, cette liste n’est pas exhaustive et d’autres éléments doivent utilement compléter le dossier.

 

2.1 Mentions légales

 

En vertu de l’article L642-2  du Code de commerce, toute offre doit être écrite et comporter l'indication des éléments ci-après. 

  • La désignation précise des biens, des droits et des contrats inclus dans l'offre

Cette énonciation détaillée est impérative tout particulièrement dans le cadre d’une cession partielle d’entreprise car elle permet d’éviter un contentieux sur le périmètre de la reprise. 

 

Concernant les éléments incorporels, l’offre vise en général la clientèle mais il est en outre indispensable de mentionner les droits de propriété industrielle attachés au fonds de commerce (marques, logiciels et brevets notamment).

 

Concernant les biens meubles, l’offre contient le plus souvent une annexe décrivant le mobilier, le matériel de bureau, les agencements, les installations, l’outillage industriel repris etc.

 

Si l’immobilier est vendu dans le cadre d’un plan de cession, une désignation des biens repris figure naturellement dans le dossier.

 

Les stocks de matières premières, matières consommables et produits finis font souvent l’objet d’un inventaire physique contradictoire après cession mais il est également possible de prévoir une valorisation ferme et forfaitaire payable dans le cadre du prix de cession. 

 

D’une manière générale, il importe de noter qu’il n’est pas possible de faire figurer dans l’offre une garantie en faveur du cessionnaire relative aux biens acquis car la jurisprudence considère que la reprise d’une entreprise en difficulté est aléatoire et forfaitaire et que le droit commun de la vente de fonds de commerce n’est, sur ce point, pas applicable à ce type d’opération.

  • Les prévisions d'activité et de financement et les perspectives d'emploi

Comme indiqué plus haut, le maintien durable de l’emploi constitue le critère déterminant de sélection des offres par le tribunal et les éléments économiques et financiers sous-tendant les perspectives en la matière doivent être soigneusement préparés. Le diagnostic de la situation de l’entreprise reprise et le plan industriel mettront ainsi en avant les synergies et/ou économies d’échelle découlant du projet.

 

Le prix offert, les modalités de règlement (y compris le recours à l’emprunt), la qualité des apporteurs de capitaux, les garanties souscrites en vue d'assurer l'exécution de l'offre et la qualité de leurs garants

 

La portée de ces critères accessoires est développée plus haut.

  • La date de réalisation de la cession

En général, il s’agit de la date de signature du contrat de cession.

 

Les prévisions de cession d'actifs au cours des deux années suivant la cession et la durée de chacun des engagements pris par l'auteur de l'offre

 

La liberté de l’auteur de l’offre en matière de vente d’actifs après reprise n’est pas totale : non seulement l’aliénation des biens de l’entreprise (à l'exception des stocks) est interdite, sauf autorisation du tribunal, jusqu’à paiement total du prix d’acquisition mais en outre le jugement arrêtant le plan de cession peut prévoir une période d’inaliénabilité de tout ou partie du patrimoine de l’entreprise (sauf autorisation du juge (3). En général, l’offre de reprise se borne à réitérer les contraintes posées par la loi et le tribunal en la matière.

 

2.2 Informations impératives non prévues par la loi

 

Bien que non mentionnées dans l’article L642-2 du Code de commerce, certaines indications complémentaires doivent impérativement figurer dans l’offre. Nous en rappellerons quelques unes ci-après.

  • Identité de l’auteur de l’offre et indépendance par rapport au cessionnaire

L’une des conditions de recevabilité de l’offre réside dans l’absence de lien de parenté entre son auteur et les anciens dirigeants de l’entreprise en difficulté. Une indication de l’identité  précise de la personne candidate à la reprise (y compris, s’il s’agit d’une personne morale, un organigramme détaillé de la société ou du groupe) ainsi qu’une attestation sur son indépendance vis-à-vis du débiteur permet d’anticiper d’éventuelles questions sur ce point.

  • Autorisations réglementaires

Si l’activité reprise est soumise à une habilitation ou une autorisation, le cessionnaire aura tout intérêt à faire valoir son accréditation dans l’offre afin de rassurer le tribunal sur le succès de l’opération (4).

  • Contrats clients et fournisseurs

En complément du descriptif des actifs repris, il importe de dresser une liste exhaustive des contrats dont le candidat à l’acquisition sollicite le transfert. Bien qu’en principe, le tribunal sélectionne souverainement les contrats dont il ordonne le transfert (5), il est heureusement fréquent en pratique qu’il se réfère à la désignation de l’offre. La cession des contrats s’opère aux conditions en vigueur au jour de l’ouverture de la procédure et il n’est pas possible de conditionner une offre de reprise à la renégociation de certains d’entre eux (seuls des délais de paiement peuvent, dans certaines conditions, être accordés au cessionnaire).

  • Conditions complémentaires

Dans certaines hypothèses, il est recommandé d’insérer dans l’offre une condition suspensive. Il est ainsi possible pour un candidat à la reprise d’une entreprise en difficulté de subordonner la réalisation de l’offre à la souscription par l’ancien dirigeant d’une clause de non concurrence

 

Il est également opportun de préciser que la proposition soumise au tribunal constitue un tout indissociable afin d’éviter que le celui-ci ne retienne qu’une partie des éléments contenus dans l’offre.

 

(1) Ces règles ont été légèrement remaniées par l’Ordonnance n°2008-1345 du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté et le décret n°2009-287 du 13 mars 2009.

(2) En fonction de l’activité reprise et du tribunal saisi, ce flou peut parfois être exploité par un cessionnaire dans le cadre de la détermination du prix final (par exemple à travers l’imputation du produit des contrats en cours). 

(3) Article L642-10 du Code de commerce modifié par l’Ordonnance du 18 décembre 2008

(4) Il s’agit d’ailleurs d’une mention obligatoire pour la reprise d’une profession libérale réglementée.

(5) Toutefois, s’il s’agit d’une reprise partielle, le cessionnaire se voit en principe transférer tous les contrats portant sur la branche d’activité concernée. En tout état de cause, il existe des exceptions à la cessibilité des contrats prévues par la loi : ainsi, la convention en exécution de laquelle le débiteur constituant conserve l'usage ou la jouissance de biens ou droits transférés à titre de garantie dans un patrimoine fiduciaire ne peut être cédée au cessionnaire, sauf accord des bénéficiaires du contrat de fiducie (article L642-7 in fine du Code de commerce introduit par l’Ordonnance du 18 décembre 2008).


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