Les comptes sociaux ne donnent qu’une image réductrice de l’entreprise. Pour en apprécier toute la richesse il est essentiel de savoir analyser son capital immatériel.
1) Un concept des années 1990...
C’est en 1992, chez l’assureur suédois SKANDIA, que Leif EDVINSSON a défini le terme de capital immatériel dans le cadre de ses recherches sur l’évolution des méthodes de gestion du groupe. Cinq ans plus tard, en collaboration avec Michael MALONE, il publiera le résultat de ses travaux dans un ouvrage fondateur « Le capital immatériel de l’entreprise ». Ce concept cherche à identifier les richesses cachées de l’entreprise, soit tout ce qui lui permet de créer de la valeur et que l’on ne peut déceler à la lecture de son bilan. Le capital immatériel est donc associé par définition à la différence entre la valeur réelle, ou de marché, de l’entreprise et sa valeur comptable.
… qui prend toute son importance aujourd’hui …
La tertiarisation de l’économie, amplifiée par l’explosion des services liée à l’arrivée d’Internet, a mis en évidence les défauts structurels des normes comptables pour capter toute la valeur de l’entreprise. Selon plusieurs études, 75 à 90% de la capitalisation boursière des entreprises cotées est constituée par des actifs immatériels. Il n’y a plus de corrélation entre valeur de marché et valeur comptable, et ce fossé s’est irrémédiablement creusé. Le capital immatériel n’explique plus une simple variable d’ajustement, il est devenu le concept économique associé à l’essentiel de la valeur de l’entreprise : sa valeur immatérielle.
2) Il faut différencier les actifs incorporels et immatériels
Avant de définir sous un angle pratique le capital immatériel, et même s’ils sont souvent employés comme synonymes, il est préférable de pouvoir différencier les actifs immatériels de leurs cousins incorporels. Ces derniers ont une filiation plus comptable, c'est-à-dire que l’on peut les retrouver dans le bilan de l’entreprise. C’est le cas des frais de développement, des logiciels, ou encore des marques acquises, contrairement à celles développées en interne qui, ne pouvant être activées, rejoindront la famille des immatériels.
3) Définition du capital immatériel
A l’origine, EDVINSSON décomposait le capital immatériel en trois grandes parties :
• Le capital humain
• Le capital client
• Le capital structurel. Ce dernier regroupant des données hétérogènes comme la qualité du système informatique, l’existence de brevets ou de marques.
Des travaux plus récents ont mis en évidence une nécessaire adaptation de cette définition. Ils préconisent une approche modulaire pour tenir compte du secteur d’activité de l’entreprise. Ils donnent aussi plus d’importance à ses produits et surtout à son organisation. Ces nouvelles approches décomposent le capital immatériel en plusieurs grandes composantes, 4 ou 7 selon la finesse de l’analyse ou les spécificités du secteur d’activité. Donc dans sa cartographie la plus simple, le capital immatériel est défini en quatre composantes :
• Le capital Humain ;
• Le capital Clients ;
• Le capital Produits ;
• Le capital Organisation.
Si l’activité le nécessite, comme pour la distribution par exemple, l’étude s’élargira également aux fournisseurs. Au niveau des produits, les techniques les plus fines distinguent les marques de tout ce qui touche au savoir et à l’innovation. L’analyse du système informatique peut également être faite en marge de l’organisation générale de l’entreprise.
4) Comment cartographier le capital immatériel
Cette première étape consiste à déterminer les caractéristiques des composantes principales en vue de leur évaluation. Sur la base d’un audit de la société et plus particulièrement d’une analyse stratégique, chaque composante est ainsi découpée en un certain nombre d’indicateurs qui sont déterminés en fonction de leur incidence sur la valeur immatérielle de l’entreprise, de leur pertinence avec les objectifs stratégiques, et de leur mesurabilité. Il est possible de les déterminer avec méthode, en distinguant trois catégories d’indicateurs, ceux qui sont :
Généraux à toutes les entreprises ;
Particuliers à un secteur d’activité ;
Spécifiques à l’entreprise étudiée.
Le choix des indicateurs pourra être influencé par le contexte de l’analyse, à savoir si celle-ci est faite en vue d’une transaction ou simplement dans un souci de pilotage. Pour illustrer cette étape, et à titre d’exemple, voici par composante quelques indicateurs généraux très souvent utilisés :
Le capital humain :
- L’intuitu personae du dirigeant ;
- La présence d’hommes clés ;
- Les compétences individuelles ;
- L’expérience ;
- Le savoir faire collectif.
Il s’agit donc essentiellement d’indicateurs qui permettent d’apprécier la qualité et le potentiel des hommes, et d’évaluer leurs connaissances. Dans la perspective d’une transaction, la capacité de l’entreprise à matérialiser ces connaissances, donc à pouvoir les transmettre, influera positivement sur la valorisation de l’entreprise. A l’inverse, la présence d’hommes clés détenant seuls une partie du savoir faire de l’entreprise affaiblira cette valorisation, tout comme un fort « intuitu personae » du Chef d’entreprise.
Le Capital clients :
- La fidélité de la clientèle ;
- La mortalité de la clientèle ;
- La part du CA prise par le plus gros client ;
- La zone géographique d’influence.
Cette composante est le pendant qualitatif de l’activité. Elle permet de distinguer entre deux sociétés réalisant le même CA, celle qui créera le plus de valeur à l’avenir. La capacité à fidéliser ses clients, la récurrence du CA, la force d’un business modèle, sont autant de facteurs clés d’amélioration de la valorisation. Dans le cadre d’une transaction, le risque lié à la perte d’un client prépondérant sera particulièrement étudié.
Le capital produits :
- Les brevets ;
- Les marques ;
- La notoriété des produits ;
- Leur degré d’innovation ;
- Le potentiel de « cross selling ».
Lien naturel entre les hommes et les clients, les produits peuvent être l’élément principal de la valeur d’une entreprise. C’est particulièrement le cas pour les jeunes entreprises ou les plus innovantes. Lors d’une transaction la capacité des produits à générer des ventes croisées avec ceux de l’acquéreur sera un critère clé.
5) L’analyse dynamique du capital immatériel
Une entreprise ne peut être réduite à une addition d’actifs. La richesse de l’entreprise tient également dans sa capacité à les améliorer, à les faire interagir pour qu’ils se nourrissent les uns les autres. Assurer une bonne dynamique entre les composantes du capital immatériel relève de l’organisation.
Le capital organisation : La recherche des indicateurs propres à apprécier l’organisation se fait à trois niveaux :
Exemple :
La qualité de l’organisation sera analysée par : le niveau d’informatisation, la cohérence et l’interopérabilité des différents logiciels ou encore la lourdeur éventuelle de la structure administrative.
Au second niveau, l’étude passera par l’outil de CRM, le réseau commercial, les programmes de fidélisation (Clients) ; le budget de R&D, les investissements et partenariats technologiques (Produits) ; le budget formation, l’outil de Knowledge Management (Hommes).
Enfin concernant l’analyse des interactions, les indicateurs seront par exemple les politiques de veille (techno, concurrentielle, stratégique), la mesure de la satisfaction des clients envers les produits et les collaborateurs, les supports d’information pour les clients (newsletter, Extranet…).
6) L’évaluation qualitative aujourd’hui…
Concept économique et non comptable, le capital immatériel n’a pas vocation à être valorisé quantitativement mais évalué qualitativement. C’est son suivi dans le temps, et l’amélioration de sa qualité qui sera source de valeur durable. Dans cette optique la mesure de sa qualité passe par celle de chaque indicateur. Une méthode de rating (notation) sur une échelle à six niveaux permet d’obtenir une appréciation assez fine qui permet également d’en mesurer les variations. Le capital immatériel ainsi qualifié peut ensuite faire l’objet d’un suivi en vue de son amélioration.
7) … L’évaluation quantitative demain
Les nouvelles normes IFRS, en attachant plus d’importance aux actifs incorporels, ont permis de mettre au point des techniques de valorisation applicables à certains indicateurs comme les marques ou les brevets. Cependant le savoir faire d’une équipe reste encore très difficile à valoriser. Mais la tendance est là, et elle va vers une valorisation globale et quantitative.
8) L’exemple des marques
Actifs immatériels lorsqu’elles sont développées en interne, les marques sont un bon exemple des techniques de valorisation qui pourraient être utilisées pour d’autres indicateurs du capital immatériel.
Il y a trois grandes méthodes pour évaluer une marque :
9) Par analogie, on évoque « le génome » de l’entreprise
En attendant qu’il puisse être globalement valorisé avec fiabilité, le capital immatériel est le complément indispensable à la valorisation de l’entreprise par la méthode des cash-flows futurs « DCF », car il permet d’asseoir la crédibilité des hypothèses retenues sur leur adéquation avec la qualité du capital immatériel.
En effet, comme on peut anticiper les prédispositions de l’homme à certains évènements par l’analyse de son génome, le capital immatériel a également cette capacité à révéler les potentialités futures de l’entreprise, mais aussi à conserver la trace des stratégies passées. Qu’il soit valorisé ou qualifié, il est aujourd’hui essentiel d’intégrer le capital immatériel au tableau de bord stratégique de l’entreprise.
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