Maurice recherche une collaboration étroite avec l’Union européenne notamment dans le domaine de l’intelligence artificielle et de la robotique
Aider Maurice à réussir sa transition économique
Maurice est en pleine transition économique. D’une économie basée sur le commerce de biens, elle se positionne désormais plus sur les services. Les négociations en vue de l’approfondissement de l’accord de partenariat économique intérimaire avec l’Union europénne devraient lui permettre de soutenir cette orientation, avec un axe sur l’export de services vers ce marché.
Les services pèsent de plus en plus lourd
Maurice se tourne vers l’exportation de ses services sur le marché de l’UE alors que la tendance de ce déplacement vers une économie de services se précise depuis quelque temps déjà. «La part du service dans le produit intérieur brut est autour de 75 %. Nous pensons que cela arrivera vers les 100 % après. Donc, avec un tel accord avec l’UE, nous essayons d’avoir les meilleures conditions pour développer davantage et d’exporter les services», précise Sunil Boodhoo. Avec cet accord, il estime qu’il sera, par exemple, plus facile pour une firme locale de s’installer dans un pays de l’UE. Quant au secteur manufacturier et l’exploitation de notre production locale, le directeur de l’International Trade Division estime il sera toujours là, bien que de moindre envergure. Il faudra surtout bouger pour le haut de gamme, quitte à produire moins, insiste-t-il. À ce jour, le commerce de biens à destination de l’UE se chiffre à près d’un milliard de dollars.
LE PAYS ESPÈRE BIEN TROUVER DES AVENUES DE COLLABORATION AVEC L’UE DANS LES SECTEURS QU’IL EST EN TRAIN DE DÉVELOPPER
Maurice lance ce mercredi 2 octobre les négociations en vue d’approfondir le partenariat économique avec l’Union européenne (UE). Cette collaboration économique concerne les pays de la région Eastern and Southern Africa (ESA), dont font partie Maurice, les Seychelles et le Zimbabwe. Ils auront leurs représentants sur place pour des discussions avec les officiels de l’UE. Si ces négociations ont une portée régionale, elles ont aussi un volet bilatéral. Et Maurice compte bien utiliser cette opportunité pour poser les nouvelles bases commerciales alors que le pays est en phase de transition vers l’export de ses services.
Si les relations entre l’Union européenne et Maurice existent depuis fort longtemps, celles-ci ne cessent d’évoluer pour faire face aux changements à l’échelle mondiale et régionale. Les négociations qui seront lancées cette semaine visent à assurer la continuité des relations commerciales qui ont pris naissance avec la convention de Lorné, signée en 1975, et qui a été d’une importance capitale pour Maurice et d’autres pays ACP. En effet, elle leur donnait un accès hors taxes et sans quota au marché de l’Union européenne pour la plupart de leurs produits.
«Cela incluait le protocole sucre qui permettait à Maurice d’exporter 510 000 tonnes de sucre sans taxes et à un prix garanti, qui était trois fois plus élevé que celui pratiqué sur le marché mondial. D’ailleurs, Maurice bénéficiait du plus gros quota parmi les pays ACP. Cela a aidé l’économie mauricienne à se développer, notamment avec l’accès au marché», résume Sunil Boodhoo, directeur de l’International Trade Division au ministère des Affaires étrangères. Le développement du secteur textile s’accompagnait également de la possibilité d’exporter avec un accès complet et hors taxes sur le marché de l’UE, alors que l’accord multifibre imposait des quotas d’exportation en ce qui concerne l’habillement et le textile, ce qui contribuait grandement au développement du pays.
Néanmoins, au début des années 2000, l’UE a décidé de passer en revue ces accords et plusieurs discussions ont débouché sur le partenariat économique intérimaire. Les négociations avaient été appelées à se poursuivre mais dans différentes configurations régionales au sein des pays ACP. Maurice, qui se situe dans la région ESA, a entamé ses négociations avec UE en 2005 pour le nouvel accord économique. «Cet accord commercial exclusif, nous devions le conclure en 2008 parce que la dérogation que l’UE avait obtenue de l’Organisation mondiale du Commerce pour continuer à bénéficier d’un accès préférentiel expirait fin 2007. Mais comme nous n’avions que trois ans et tellement de choses à négocier, nous avons conclu un partenariat économique intérimaire», explique Sunil Boodhoo.
VERS UN ACCORD TRÈS LARGE ET MODERNE
Cet accord ne couvre que trois partie : la plus importante que sont les produits de commerce, ensuite la pêche et, finalement, la coopération au développement. «Le chapitre sur les produits de commerce est ce qui permet à Maurice d’exporter ce qu’il produit sur le marché de l’UE totalement hors taxes. Cependant, cet accord n’est pas encore un accord de partenariat économique complet parce que selon l’arrangement entre la région ESA et l’UE, nous aurions dû discuter d’autres sujets à part ces trois», poursuit-il. Si les négociations ont continué, il n’y a pas eu de progrès jusqu’en 2018, quand l’UE a accepté d’établir un accord très large et moderne.
Ces négociations pour un nouvel accord interviennent à un moment où Maurice prend un tournant décisif dans son développement économique. Alors qu’il a longtemps misé sur le commerce de biens, que les piliers de l’économie et du secteur manufacturier, que sont la canne et le textile, montrent des signent de faiblesse, le pays adopte une approche qui ne concerne plus le commerce de services, et l’accord complet devrait l’aider dans sa transition.
«L’accord que nous avons actuellement s’assure que Maurice a un accès en franchise de douane sur le marché européen, notamment pour le sucre, le rhum, le textile-habillement et le secteur manufacturier. Ce que nous faisons actuellement, c’est parler de l’économie de demain», fait ressortir le directeur de l’International Trade Division. Il évoque un nouvel accord qui couvrira presque tous les domaines d’activités économiques : commerce de biens, de services, investissement, propriété intellectuelle, développement durable, règlement de litiges, politique de la concurrence, entre autres choses.
L’objectif est, selon ses dires, d’ouvrir le marché de l’UE pour l’exportation de services de Maurice mais aussi de créer de meilleures conditions pour le flux d’investissement entre nos pays. « Un chapitre sera aussi accordé au développement économique et aux secteurs que le pays est en train de développer, pour lesquels le pays espère bien trouver des avenues de collaboration avec l’UE. Il s’agira surtout d’assistance, de soutien notamment dans les secteurs de l’ IT, de la robotique, de l’intelligence artificielle ou encore de la Fintech où nous souhaitons une collaboration beaucoup plus étroite», ajoute Sunil Boodhoo.
Outre la signature de la déclaration commune entre l’UE et les membres de l’ESA, l’adoption d’un document établissant le cadre et la portée ainsi que tous les paramètres de cet accord figure au programme de ces négociations qui s’étaleront sur trois jours. De même, une feuille de route sera présentée car les participants souhaitent faire aboutir ces négociations dans les deux – trois ans à venir dans les meilleurs des cas, cette étape n’étant que le début d’un processus techniquement très complexe.
Si dans le cadre de l’accord intérimaire, l’UE a accordé quelque 11 millions d’euros à Maurice, le pays compte bénéficier de plus de ressources financières dans le cadre de ce plus large accord.
Une ouverture graduelle de nos marchés
L’engagement d’ouverture de nos marchés sera au centre des discussions dans le cadre de ce nouvel accord : «En ce qui concerne le commerce de biens, il y a déjà tout un calendrier de démantèlement tarifaire avec l’UE et cela se fait graduellement, contrairement à nous, qui avons bénéficié d’un accès complet tout de suite», indique Sunil Boodhoo. L’accès au marché mauricien se fera par étapes et ce n’est qu’à partir de 2022 qu’un accès quasi complet est envisagé. «Il y a une liste de produits qualifiés de sensibles qui a été exclue de cette démarche d’ouverture», ajoute notre interlocuteur.
SOURCE : BUSINESS MAGAZINE