La Cour de cassation a jugé que n’a pas la qualité de salarié l'associé unique d'une SARL, ancien gérant, qui dispose du pouvoir de révoquer le gérant qui lui a succédé, ce qui exclut toute dépendance et tout lien de subordination à l'égard de la société.
Par suite, elle valide la décision d'une cour d'appel qui avait dénié à l'associé d'une EURL la qualité de salarié et avait rejeté ses demandes de paiement de salaires et indemnités fondées sur un contrat de travail de directeur administratif et financier, conclu avec la société plusieurs années auparavant.
A noter : dans les SARL pluripersonnelles, la qualité d'associé n'est pas exclusive de celle de salarié, quand cet associé est minoritaire (Cass. soc. 12-3-1987 n° 1072 : Bull. civ. V n° 141), ou égalitaire (Cass. soc. 18-4-2008 n° 07-40.842 : RJDA 7/09 n° 659), voire majoritaire (Cass. soc. 4-12-1990 n° 87-43.913 : RJDA 3/91 n° 212 ; Cass. soc. 15-6-1994 n° 91-42.560 : RJDA 4/95 n° 446). Toutefois, il faut que l'intéressé exerce ses fonctions dans un état de subordination sans prendre part, en droit ou en fait, à la gestion de la société (Cass. soc. 15-6-1994 n° 2823 : RJDA 4/95 n° 446). L'existence de cet état relève de l'appréciation souveraine des juges du fond.
En 2012, la chambre sociale de la Cour de cassation avait également admis la possibilité pour l'associé unique d’une EURL d'être salarié de sa société (Cass. soc. 11-7-2012 n° 11-12.161 FD : RJDA 11/12 n° 959), censurant un arrêt qui, pour juger le contraire, avait retenu que le gérant non associé, nommé et révoqué par l'associé unique, ne pouvait pas exercer de pouvoir de direction à son égard (CA Poitiers 8-9-2009 n° 07-3260 : RJDA 5/10 n° 511). L'arrêt de 2012 avait toutefois été rendu par une formation restreinte de la Cour suprême, sans être publié, ce qui lui donnait une autorité limitée ; la cassation reposait en outre sur une inversion de la charge de la preuve.
Dans l'EURL, l'associé unique se prononce, sous la forme de décisions unilatérales, sur tout ce qui relève de la compétence des associés de SARL pluripersonnelle (C. com. art. L 223-1, al. 2) et donc notamment sur la révocation du gérant non associé (Cass. com. 9-3-2010 n° 09-11.631 F-PB : RJDA 5/10 n° 531). L'associé unique doit prendre personnellement ces décisions. Il ne peut pas déléguer ses pouvoirs à un tiers (C. com. art. L 223-31, al. 3).
Le gérant non associé ainsi placé sous l’entière dépendance de l’associé unique ne peut donc pas réellement exercer un pouvoir hiérarchique sur ce dernier.
Par identité de situation, la solution est à notre avis transposable dans la société par actions simplifiée unipersonnelle (Sasu), lorsque les statuts prévoient que le dirigeant est nommé et révoqué par l'associé unique. Toutefois, dans la société par actions simplifiée, la nomination et la révocation des dirigeants ne font pas partie des décisions obligatoirement prises par décision des associés et les statuts peuvent donc librement fixer d'autres modalités. Ils pourraient notamment prévoir que ces pouvoirs appartiennent à un tiers. Dans ce cas, le lien de subordination de l'associé unique à l'égard du président ne pourrait pas être exclu par principe.
Source: Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne