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Insolvency à Royal Park, Airway Coffee et Palmar Ltd

Tour d'horizon sur les procédures d'insolvency à Maurice : trois entreprises sous le feu des projecteurs

Royal Park :

 

Royal Park est un grand projet immobilier de luxe 131 villas réparties sur une surface de 90 hectares à Balaclava au nord de Port Louis[1]. La société Royal Park Ltd avait été incorporée le 7 avril 2009 pour un capital de Rs 194 millions, les actionnaires étant des personnes connues du milieu des affaires mauricien (Bernard Maigrot, Sydney Bathfield, André Bonnieux …)[2]. L’un des investisseurs majeur pressenti pour ce projet colossale n’était nul autre que le très controversé Alvaro Sobrinho. L’homme d’affaire angolais  y avait acquis une demeure au coût de Rs 52 millions et prévoyait d’en acheter 59 autres chiffrant le total  près de Rs 1,6 millard. Entre temps, plusieurs scandales nationaux et internationaux avaient éclatés entachant sa réputation ainsi que celle du projet Royal Park, notamment l’affaire de la Platinum Card impliquant également l’ex présidente Ameenah Gurib-Fakim avant sa démission le 17 mars.

 

Parmi les différentes affaires dans lesquelles baignait Sobrinho, celle qui a coûté à Royal Park sa santé financière concernait l’obtention frauduleuse de licences et d’autorisations préalables à l’acquisition des villas, auprès de l’Economic Development Board (EDB). En effet, l’Independent Commission against Corruption (ICAC) a ouvert une enquête aux titres d’actes de corruption et de trafic d’influence fomentés par Sobrinho afin d’obtenir les autorisations malgré sa mauvaise réputation (il a fait l’objet de poursuites en Suisse et au Portugal pour blanchiment d’argent). Il convient de préciser que l’EDB a l’obligation systématique d’exercer des Due Diligences à propos des investisseurs, surtout lorsque de pareilles sommes sont en jeu [3].

 

Cette affaire ayant eu un retentissement certain dans la presse mauricienne, l’EDB a finalement décidé de refuser à Sobrinho ses autorisations pour l’acquisition des propriétés à Royal Park. Il en résulte un certain trou dans le cash flow de la société qui l’a conduit directement vers l’ouverture d’une procédure d’Insolvency.

A la suite du défaut de remboursement au titre d’un prêt contracté auprès de la MCB (Mauritius Commercial Bank), celle-ci a désignée Gerald Lincoln, country manager d’EY Mauritius, comme Receiver.

 

Même si le Receivership fait l’objet d’une rubrique sur le site web du Cabinet e Conseil & Assistance, nous prendrons la liberté de rappeler brièvement les conditions et effets de cette procédure.

Pour cela, revenons à la base : seules les institutions listées à l’article 2202-2 du Code civil Mauricien peuvent grever d’une sûreté fixe ou flottante, les obligations souscrites à leur égard par un particulier ou une société. Il s’agît du gouvernement et des institutions financière agrées ; pour faire simple : les banques.

La sûreté fixe est celle qui affecte seulement les biens spécialement désignés dans l’acte constitutif et jusqu’à concurrence de la somme mentionnée lors de son inscription. La sûreté flottante grève quant à elle tous les biens présents et futurs du constituant. Dès lors qu’une sûreté fixe ou flottante est insérée dans le contrat entre une banque et une société et que celle-ci fait défaut, la banque aura le pouvoir de désigner un Receiver [4] dont la mission sera de reprendre en main l’entreprise pour assurer le bon remboursement de l’entreprise. Le Receiver peut également être nommé par le Tribunal, mais dans la pratique, c’est toujours la banque qui le désigne.

 

De même, alors qu’une banque a théoriquement la possibilité d’opter pour une procédure d’Administration (équivalent au redressement judiciaire) en nommant un Administrator, dans la pratique, les banques nomment toujours des Receiver/Managers. Le Manager est celui qui se voit confier la gestion courante de l’entreprise. Le plus souvent, les fonctions de Receiver et de Manager sont confiées à la même personne. De même le Receiver pourra, s’il ne parvient pas à redresser l’entreprise être nommé Liquidator afin de procéder au Winding Up.

 

Dans le cas de Royal Park, la société a un actif bien supérieur à son passif, c’est pourquoi la liquidation n’est pas envisagée pour l’instant.

 

Palmar Ltd :

 

Fondée en 1980[5], située à Rivière du Rempart au Nord de l’Île et détenue à 75% par Stéphane Lagesse, Palmar est une société de textile  qui fabrique en grande partie des vêtements (jeans, t-shirts). Malgré un CA de Rs 801 millions avec un profit de Rs 77 millions pour l’année 2016, la société a récemment subie de lourde difficultés[6]. Beaucoup pointent du doigt l’avènement du salaire minimum en janvier 2018. Depuis cette date, il est fixé à Rs 9000 soit 225€ environ.

 

Malgré les bienfaits de cette réforme sociale, celle-ci n’a pas nécessairement engendré une hausse de la productivité. Au contraire, la conséquence est une certaine surenchère salariale pour les catégories d’employé plus élevées. D’autant plus que cette mesure a bien sûr impacté la compétitivité de Maurice par rapport aux pays d’Asie du sud-est ou d’Afrique.

 

Ainsi, Palmar doit à présent Rs 600 million à la MCB. C’est pourquoi la banque a décidé de désigner  les Insolvency Practitioner Yacoob Ramthoola et Afzar Ibrahim de BDO en tant que Receiver afin de s’assurer du règlement de sa créance et du redressement de l’entreprise afin de maintenir une partie des 1400 salariés.

 

A la lumière de ces deux exemples de mise en place de Receivership, on comprend qu’en pratique cette procédure à tendance à s’appliquer comme une sorte redressement judiciaire à la discrétion d’un seul créancier, en l’occurrence une banque.

 

Airway Coffee : chronique d’une liquidation judiciaire rocambolesque :

 

Airway Coffee est une entreprise chargée de la vente de café, viennoiseries et autres, au sein de l’aéroport national Sir-Seewoosagur-Ramgoolam. Celle-ci a été placée en liquidation par la Cour Suprême le 5 mai 2016[7]. Cependant, comme c’est souvent le cas dans les scandales politico-financiers, l’affaire a duré dans le temps si bien, qu’elle est  réapparue dans les journaux ces derniers jours puisque la société a demandé à la Cour Suprême, par audience fixée au 15 février 2019, de contester sa liquidation devant le Judicial Committee de Londres (juridiction suprême des pays associés à la Commonwealth)[8]. Cette demande fait suite à l’appel intentée par l’ex-patronne d’Airway Coffee, Nandanee Soornack, le 25 septembre dont elle a été déboutée[9].

 

Ici, pas de banque, pas de Receivership ou de procédure amiable. Airway Coffee devait des sommes considérables à  Airports of Mauritius Co. Ltd (AML) et Airport Terminal Operations Ltd (ATOL), pour un total de près de Rs 90 M nottament au titre de loyers impayées. Les créanciers, AML et ATOL ont réclamé au Tribunal la liquidation d’Airway Coffee par voie de « winding-up petition ». Le Tribunal a nommé Yuvraj Thacoor de Grant Thornton comme liquidateur provisoire[10] (l’affaire n’ayant pas été menée à son terme).

 

Cette affaire a un écho retentissant dans la presse dans la mesure où elle mélangeait favoritisme, détournement, licenciement et vie privée du premier ministre en poste : Navin Ramgoolam.

 

Cette affaire tourne autour d’une personne : Nandanee Soornack[11]. Partie de rien, puis devenue femme d’affaire, dirigeante d’Airway Coffee, la révélation de sa relation avec le premier ministre Ramgoolam avant sa fuite vers l’Italie a eu le don de choquer et d’énerver le peuple mauricien. Le 11 décembre 2014, au lendemain de la défaite du premier ministre Ramgoolam contre Anerood Jugnauth, elle monte dans l’avion à destination de Venise, emmenant avec elle, selon les dires des médias, un certain montant d’argent. Endettée personnellement dans le cadre des activités d’Airway Coffee, l’Etat mauricien lui demande le remboursement des sommes dues à AML et à ATOL. Puis le gouvernement va émettre un mandat d’arrêt Interpol à son encontre pour détournement [12]. Elle est arrêtée à Parme le 16 avril 2015 mais la demande d’extradition n’aboutit pas.

 

Ce qu’on lui reproche ? D’une part, d’avoir abusé de sa relation avec le Premier-Ministre pour obtenir frauduleusement le marché public lui accordant l’exploitation du service traiteur de l’aéroport. Aussi, elle est accusée d’avoir détournée des fonds au détriment des employés de la société, 90 ayant été licenciés à la suite du placement en liquidation [13] [14].

 

Depuis, juillet 2015, Airway Coffee a été remplacée par la une filiale du groupe Oberoi Flight Services.

 

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Tags : 

Insolvency, Receivership, Receiver, Manager, Liquidation, Winding Up, Liquidateur, Corruption, Favoritisme, Scandale, Emplois menacés,  Licenciement, Salaire minimum, ICAC, Détournement, Insolvency Practitioner

 

 



[4] Art 185 de l’Insolvency Act