Professionnels et grosses pointures fortunées sont dans le viseur de l’Economic Development Board (EDB). Celui-ci se propose de revisiter le Mauritian Diaspora Scheme du 24 mars 2015 pour mieux les attirer. Plus spécifiquement les professionnels qualifiés, au nombre de 50 000, concentrés aujourd’hui en Europe avec une forte présence également en Australie et au Canada.
Une démarche qui confirme implicitement que ce plan n’a pas eu, jusqu’ici, l’accueil escompté. N’incitant, en effet, le retour sur le sol natal que d’une centaine de Mauriciens.
Initialement, ce plan accompagne le retour des membres de la diaspora d’un congé fiscal de dix ans, de l’exemption de la taxe sur leurs effets personnels et d’une voiture hors-taxes d’une valeur ne dépassant pas Rs 2 millions. Le hic, c’est que ces mesures s’appliquent seulement à ceux qui ont fait des demandes après le 24 mars 2015 et qui sont venus s’installer après cette annonce budgétaire mais pas avant.
Au cas contraire, cela aurait permis à un grand nombre de personnes appartenant à la diaspora mauricienne d’être qualifiées.
«L’EDB se penche actuellement sur les critères d’éligibilité de ce scheme», souligne Zakir Cauhnye, Head of Doing Business au sein du board.
Potentiel économique
L’EDB juge, en fait, qu’il y a un gros potentiel économique pour le pays avec le retour des jeunes issus des deuxième et troisième générations de familles mauriciennes ayant mis le cap sur l’Europe ou l’Australie. «Nous voulons attirer ces jeunes professionnels en vue d’un transfert d’expertise dont nous avons besoin pour soutenir le secteur des services financiers dans des créneaux pointus mais aussi au niveau de la biotechnologie et de l’informatique»,précise le Head of Doing Business.
Et il n’y a pas que des jeunes professionnels. Les Mauriciens financièrement fortunés sont également ciblés dans le cadre de cette nouvelle offensive de l’EDB. «Il y a des fils du sol qui ont amassé des fortunes et qui peuvent aujourd’hui, en fin de carrière, retourner à Maurice pour investir ou, à défaut, rester dans leur pays d’adoption tout en mobilisant des fonds pour lancer des entreprises à Maurice», affirme Zakir Cauhnye.
L’EDB compte jouer sur ces deux claviers pour attirer les membres de la diaspora mauricienne à contribuer afin d’aider le pays à franchir un nouveau palier de son développement économique. Un postulat auquel souscrit totalement Anthony Leung Shing, le nouveau Country Senior Partner de PricewaterhouseCoopers. Il croit dans ce Mauritian Diaspora Scheme pour attirer les cerveaux qui ont décidé, à un certain moment de l’histoire du pays, de fuir vers d’autres cieux. «Il faut les encourager à revenir et servir le pays s’ils en expriment le désir.»
Encore faut-il que les entreprises publiques et privées s’ouvrent à leurs compétences. Et c’est là où le bât blesse. À en croire les témoignages de ces jeunes professionnels – qui, soit dit en passant, sont académiquement formés et fortement expérimentés –, les portes ne sont pas totalement ouvertes. Et si elles le sont, les packages proposés sont loin de correspondre à leurs attentes.
Salaires pas intéressants
Salim Peer, directeur de Castille, la branche mauricienne d’une compagnie internationale maltaise spécialisée dans le recrutement de professionnels pour le secteur financier et informatique, en sait quelque chose. «Nous avons des Mauriciens issus de la diaspora qui souhaitaient retourner au pays mais qui ont refusé des offres considérées comme n’étant pas alléchantes en termes de package global.»
Et d’ajouter que le niveau de salaire pour un poste exécutif reste relativement bas localement comparé à celui dicté par le marché international. «Le salaire mensuel d’un haut cadre dans une grande capitale européenne peut avoisiner les € 8 000-10 000, soit entre Rs 320 000 et Rs 400 000. Et c’est sans compter les avantages qui vont avec», précise Salim Peer.
Or, le même poste à Maurice peut être rémunéré à moitié, et ce dépendant de la taille de l’entreprise. Ce qui explique d’ailleurs pourquoi certains candidats étrangers déclinent des offres à Maurice. Zakir Cauhnye reconnaît cette réalité mais note toutefois qu’il y a eu des cas où des professionnels ont été recrutés dans des banques et occupent des postes de responsabilité avec des salaires intéressants.
La diaspora demeure un vivier de ressources humaines, de compétences et de savoir-faire pouvant soutenir le décollage économique. Il suffit de venir avec des mesures imaginatives pour l’attirer.
L’apport économique
Loin de se limiter uniquement à un transfert d’expertise, la diaspora mauricienne peut-elle être une puissance financière importante pour le pays ? Anthony Leung shing n’y croit pas, vu que le poids économique de la diaspora mauricienne n’est pas aussi conséquent pour influencer grandement le PIB du pays.
Les statistiques de la Banque de Maurice du premier trimestre (janvier à mars 2018) montrent que les fonds transférés à Maurice par la diaspora mauricienne se situent autour de Rs 473 millions, avec la France se taillant la part du lion avec Rs 128 millions.
Ce qui se compare défavorablement avec la diaspora africaine qui, selon un rapport publié en 2016 par le Fonds international de développement agricole (FiDa), confirme que quelque 60,5 milliards de dollars ont été transférés par la diaspora en Afrique.
Les fonds transférés peuvent représenter jusqu’à 31 % du PIB d’un pays comme le Liberia ou encore la Gambie avec 22 % du PIB, alors que plus près de chez nous, la diaspora des Comores, concentrée essentiellement à Paris, en contribuant 35 % à son PIB, fait tourner l’économie de ce pays.
Source: L'express.mu