Il existe deux vérités en matière de stratégie qui embarrassent la grande majorité des dirigeants et des entreprises… et probablement vous aussi. La première, c’est que vous n’avez pas de stratégie efficace. Et la seconde, c’est que vous ne faites pas grand-chose à ce sujet.
Même si ces deux affirmations peuvent paraître extrêmes, elles découlent clairement des nouvelles recherches de McKinsey sur la façon dont les entreprises créent de la valeur et allouent leurs ressources.
L’absence généralisée de stratégie efficace ressort dans notre étude récente sur 3 000 des plus grandes entreprises mondiales, dans laquelle nous constatons que seules 20 % d’entre elles génèrent 90 % de l’ensemble de leurs profits. Le reste des entreprises, soit plus de 2 400, n’ont tout simplement pas de stratégie qui fasse mieux que le marché.
Une autre étude récente de McKinsey - "never-let-a-good-crisis-go-to-waste" - s’intéresse à ce que les dirigeants font au sujet de leur faille stratégique et sa conclusion est simple : la plupart n’en font pas assez.
Alors qu’ils devraient investir davantage dans leurs activités qui ont le plus de chances de générer de la valeur et moins dans celles qui sont sur le déclin, ce n’est pas ce qu’ils font. Au contraire, ils répartissent les ressources de l’entreprise de la même façon année après année, en accordant aux activités, qu’elles soient rentables ou mal en point, essentiellement la même part que l’année précédente.
Sur les 1 500 entreprises multi-sectorielles examinées annuellement durant deux décennies, seules une minorité d’entre elles ont transféré activement une part importante de leurs ressources vers leurs activités à la plus forte croissance potentielle. Même entre 2007 et 2010, lorsque les conditions extérieures difficiles auraient dû les forcer à des choix internes délicats, les dirigeants n’ont pas bougé d’un pouce. Voilà une belle opportunité de changement manquée.
L’inertie coûte cher. La minorité d’entreprises qui réaffectent activement leurs ressources affichent des résultats financiers bien meilleurs que celles qui ne le font pas. Ces « réallocateurs dynamiques » ont offert à leurs actionnaires un rendement total médian de 10 % par an entre 1990 et 2010. C’est bien plus que les 6 % de rendement obtenus par les sociétés qui réaffectent rarement leurs ressources : les « réallocateurs dormants ». Or, quoique ce dynamisme des ressources donne lieu à une grande différence, nous n’avons pas placé la barre extraordinairement haut sur ce point : les entreprises transférant à peine 41 % de leurs capitaux entre leurs activités ou vers de nouveaux secteurs sur une période de 15 ans ont été classées dans la première catégorie.
Warren Buffett a déclaré un jour : « Je suis programmé depuis ma naissance pour allouer du capital ». Tant mieux pour lui. Mais que doivent faire alors la grande majorité des dirigeants, qui ne sont pas génétiquement doués comme Buffet, pour augmenter leurs chances d’identifier les bons plans stratégiques et placer ensuite leur argent conformément à leur stratégie ?
1. Reconcevez votre processus de développement stratégique
Des dirigeants intelligents avec une bonne analyse ne donnent pas automatiquement lieu à une excellente stratégie. Le processus d’élaboration de cette stratégie est crucial. Malheureusement, près de huit cadres sur dix interrogés par McKinsey décrivent les processus de planification stratégique au sein de leurs entreprises comme étant conçus plus pour confirmer des hypothèses existantes que pour en tester de nouvelles.
Il existe pourtant des techniques pour résoudre ce problème. Au nombre d’elles, on trouve l’organisation de débats, la création de « rôles contestataires » pour institutionnaliser les concessions mutuelles et court-circuiter la politique interne, et la recherche de perspectives externes, même si cela revient simplement à recourir à des prévisions de marché d’analystes extérieurs ou à rendre visite à ses clients. Dressez une cartographie des ressources de l’entreprise suffisamment détaillée pour indiquer précisément où celles-ci sont actuellement déployées. Ces données viendront enrichir vos discussions et aideront à convaincre de la nécessité d’une réallocation, y compris les puissants responsables de division qui n’en bénéficieraient pas eux-mêmes.
2. Testez votre nouvelle stratégie
La stratégie n’est pas un exercice procédural, mais une manière de penser. Afin de stimuler votre réflexion stratégique, répondez en toute honnêteté à cette question : En examinant objectivement vos actifs, votre capacité et votre position sur le marché, y a-t-il une raison de croire qu’il vous est possible de créer abondamment de la valeur ?
On peut considérer d’une certaine façon un avantage concurrentiel comme étant une imperfection du marché, quelque chose qui empêche les forces concurrentielles d’aspirer les profits. De tels avantages sont rares et souvent éphémères.
- Votre stratégie exploite-t-elle une véritable source d’avantages ?
- Vous fait-elle devancer les tendances ?
- Repose-t-elle sur des savoirs uniques et exclusifs ?
- À quel point vous estimez-vous capable de faire mieux que le marché ?
3. Soyez déterminés dans vos actions
La vitesse peut être certes effrayante, mais s’il y a une chose dont les dirigeants n’ont pas à s’inquiéter, c’est de trop réallouer. Les recherches de McKinsey n’aboutissent à aucune preuve que les récompenses d’une réallocation excessive s’annulent. Les dirigeants semblent courir plus de risques lorsqu’ils en font trop peu, et non pas trop.
Bien sûr, le dosage nécessaire pour la réallocation varie. Certains réallocateurs prospères rentrent ou sortent entièrement de tel ou tel marché. Cependant, nombreux sont ceux qui procèdent à des changements moins spectaculaires, transférant des ressources, année après année, pour développer leurs meilleures activités et, simultanément, purger celles qui connaissent un moindre succès.
Quel que soit le degré de changement nécessaire pour votre entreprise, faites-le. Les entreprises dirigées par des P-DG décidés accumulent plus de bénéfices financiers (ce qui reste du résultat d’exploitation après soustraction du coût du capital) que leurs concurrentes. Les rendements pour les actionnaires de telles entreprises s’avèrent élevés. Cela dépasse la question économique, c’est aussi personnel : les chefs d’entreprise prêts à opter pour des compromis difficiles restent aussi plus longtemps à leur poste que ceux qui sont lents à redistribuer leurs actifs. Une meilleure compagnie, des actionnaires plus riches et une meilleure sécurité de l’emploi sont les récompenses de ceux qui ont l’audace de développer une stratégie efficace et de la traduire en une véritable réallocation des ressources.
"Reconcevez. Testez. Agissez."
Voici les priorités des dirigeants préoccupés d’avoir une stratégie indifférenciée ou n’étant pas soutenue et mise en œuvre avec des ressources suffisantes. Le changement n’est certes jamais confortable, mais nos recherches suggèrent que le plus grand risque pour de nombreuses entreprises est de ne pas remédier à leur problème stratégique… ou de ne rien y faire.
Source: Harvard Business Review