Le «hard Brexit». Telle est la voie qu’a choisie la Première ministre britannique, Theresa May, en annonçant sa sortie définitive de l’Union européenne (UE) et du marché unique. Pire : son gouvernement menace de faire de Londres un paradis fiscal, si les 27 pays de l’UE n’acceptent pas les exigences du Royaume-Uni.
Quelques opérateurs ne regardent pas d’un bon œil l’introduction d’une fiscalité légère à la City.
En clair, Londres changerait de modèle économique en s’appuyant sur une fiscalité légère. Celle-ci risquerait de déstabiliser financièrement l’Europe, en raison du poids de la City, appelée à prendre une autre dimension dans la nouvelle posture du Royaume-Uni. Qualifiée par l’opposition travailliste «d’une économie au rabais sur les rives de l’Europe» et par autres spécialistes d’un «dumping fiscal et social aux portes du continent», cette nouvelle posture suscite interrogations, inquiétudes et espoir.
La City davantage compétitive
Penny Hack, avocat d’affaires, estime que l’introduction d’une fiscalité légère à la City (la taxe sur les entreprises est actuellement de 20 %) devrait la rendre davantage compétitive, comme une des premières places financières mondiales. «Il est évident qu’avec l’élimination de tous les avantages fiscaux liés à notre traité avec l’Inde, la juridiction mauricienne ne sera pas aussi attrayante, même avec un taux d’imposition fiscale de 15 %», souligne-t-il.
L’avocat d’affaires ajoute que «si on pense attirer des succursales de grosses multinationales européennes basées actuellement dans la City, la démarche de transformer Londres en paradis fiscal nous enlève cette opportunité et compromet sérieusement notre nouveau positionnement dans ce secteur.» Les îles britanniques, opérant déjà comme paradis fiscaux, telles que l’île de Man, les îles Vierges britanniques ou encore les îles Caïmans, offrent déjà une compétition féroce à Maurice comme une juridiction fiscalement légère.
Opportunités en vue
Une analyse que Kamal Hawabhay, directeur de Global Wealth et président de l’Association of Trust and Management Companies, ne partage pas. Si le Royaume-Uni décide d’adopter un modèle économique privilégiant une fiscalité légère, il n’entrevoit pas de menaces directes pour Maurice. Au contraire, il prévoit des opportunités.
«Aucun pays ne peut prétendre être une one-stop-shop pour tous les pays du monde. Les centres financiers internationaux opèrent aujourd’hui sur une base régionale. À l’instar de l’île de Man pour le Royaume-Uni, l’Europe de l’Est et la Russie ; Singapour pour l’Extrême-Orient ; les îles Caïmans/Bermudes pour les États-Unis ; et Maurice pour l’Asie et l’Afrique.»
Opérer en tandem, une solution
Il ajoute qu’un faible taux d’imposition améliorerait le dynamisme fiscal du Royaume-Uni, contrairement à celui des États-Unis. Le pays de Theresa May et Maurice peuvent opérer en tandem pour bénéficier des avantages fiscaux conjoints, permettant ainsi l’accès aux marchés européens et à ceux des autres pays.
«Maurice a un retard de 30 ans à rattraper pour atteindre la taille de la City»
Dan Maraye, opérateur du Global Business et observateur économique, est du même avis. «Entre la City et le centre financier de Maurice, c’est le jour et la nuit. Maurice a un retard de 30 ans à rattraper pour atteindre la taille de la City.» Il balaie d’un revers de la main ceux qui soutiennent que Londres constituerait une menace directe sur la juridiction mauricienne.
Complémentarité entre les deux juridictions
Afsar Ebrahim, Deputy Group Managing Partner chez BDO, pousse la réflexion plus loin. Il y voit une complémentarité entre les deux juridictions. Il est persuadé que la City pourrait utiliser Maurice comme un tremplin pour investir en Afrique, ce qui donnerait plus de substance à la juridiction mauricienne.
Reste le régulateur des services financiers. La Financial Services Commission (FSC) est pointée du doigt par certains spécialistes quant à sa capacité à répondre aux nombreux challenges auxquels elle est confrontée. Penny Hack persiste et signe : la FSC, qui a un nouveau ministre de tutelle en la personne de Sudhir Sesungkur, opère sans aucune imagination.
«Les personnes qui sont à la tête de cette institution financière sont coupées des réalités de ce secteur. Elles n’ont pas l’expérience pour comprendre les enjeux d’un secteur qui est appelé aujourd’hui à être le fer de lance de l’économie du pays», s’insurge l’avocat d’affaires.
Des critiques repoussées par la FSC. Celle-ci insiste sur les nombreux dossiers dépoussiérés et les différentes initiatives prises pour muscler le secteur des services financiers.
Rivalité et complémentarité : Londres et Maurice sont néanmoins condamnés à travailler ensemble.
Source l' express.mu par la rédaction