Le No1 de Broll Indian Ocean, un des leaders de l’immobilier en Afrique, estime qu’il est judicieux de permettre aux étrangers d’acquérir librement des appartements. Cela vise à faire de Maurice le Singapour du continent africain.
Par Villen Anganan 11 jan 2017 12:48
Comprenez-vous la rationalité de ceux qui s’opposent à ce que les étrangers acquièrent des appartements à Maurice ?
Non. Parce que cette décision ne date pas du dernier exercice budgétaire. Depuis quelques années déjà, les étrangers pouvaient acheter des appartements dans un projet résidentiel comprenant un rez-de-chaussée et deux étages. À condition que l’étranger détienne un permis de résidence, habite à Maurice ou qu’il soit en situation de retraité sur le sol.
Qu’est-ce qui a changé ?
Ce qui a changé, c’est l’amendement apporté au Non-Citizen Property Restriction Amendment Bill, promulgué en décembre 2016. Il permet à tout étranger, détenteur d’un permis de résidence ou pas, d’acquérir un appartement valant plus de Rs 6 millions dans un immeuble résidentiel chez nous. C’est la principale différence.
Cette mesure a le mérite d’encourager des étrangers à acheter des appartements chez nous. Une démarche qui vise en même temps à agrandir la taille de notre population. Nous sommes encore trop peu nombreux pour prétendre devenir le Singapour de l’Afrique. Savez-vous que sur la base des études faites, Maurice a besoin d’une population de presque deux millions d’habitants pour assurer son développement socio-économique dans le long terme ? Avec seulement 1,2 million d’habitants, nous avons encore le potentiel d’accueillir des compétences étrangères. Des pays comme Singapour et Dubaï ont eu recours à l’expertise étrangère pour soutenir leur stratégie de développement. Pour suivre leur modèle, nous devrons créer des conditions propices à l’installation des étrangers à Maurice.
Estimez-vous que cette mesure aura d’autres effets multiplicateurs ?
Certainement. L’arrivée en grand nombre de ces étrangers, disposant d’un gros pouvoir d’achat, devrait logiquement doper la consommation. Alors même que la croissance de la consommation ralentit depuis 2008, puisque, en parallèle, les Mauriciens se révèlent très prudents dans leurs achats. Nous avons aujourd’hui des grandes surfaces qui peuvent répondre aux attentes des étrangers en matière de produits de consommation. Nous estimons qu’en cette période, l’apport des étrangers pour doper la croissance à travers la consommation reste une option à ne pas négliger.
Maurice a besoin d’une population de deux millions d’habitants pour assurer son dévéloppement économique.
Les prix de ces appartements, vendus sans obligation de résidence, ne sont-ils pas susceptibles de flamber ?
Absolument pas ! En fait, les acheteurs mauriciens ne réalisent pas qu’ils paient aujourd’hui un appartement presqu’au même prix au mètre carré qu’un acheteur étranger dans son pays.
Dans le nouveau schéma, les étrangers pourront acheter des appartements de plus de Rs 6 millions dans les résidences qui respectent les paramètres imposés par le Board of Investment. Évidemment, les étrangers vont opter pour un appartement d’une certaine classe. S’ils veulent du standing, ils pourront en trouver à partir de Rs 30 000 à Rs 50 000 le mètre carré pour un appartement de type standard de 150 à 200 mètres carrés. Voire entre Rs 60 000 et Rs 100 000 le mètre carré pour un appartement de 100 à 200 mètres carrés. Les étrangers ont un choix, dépendant de leurs budgets et des régions où ils souhaitent s’installer.
Les Français paient un appartement à Maurice au même prix qu’un logement en banlieue.
Qui sont ces étrangers ?
Les acheteurs sont à 58 % des Français. Il ne faut pas ainsi croire que l’accès à la propriété est moins cher à Maurice, ou que les promoteurs bradent l’immobilier mauricien. Les Français paient un appartement à Maurice au même prix qu’un logement dans une banlieue. Ces prix reflètent, dans bien des cas, le niveau de vie des acheteurs, qu’ils soient étrangers ou locaux.
Autre profil des acheteurs : les Sud- Africains, preneurs de 25 % de nos appartements. Ils s’offrent généralement des propriétés dont le prix au mètre carré est entre Rs 30 000 et Rs 40 000. Ils ne visent pas des appartements qui sont les plus chers. Ces Sud-Africains veulent transférer une partie de leur patrimoine à Maurice pour en préserver la valeur face à la dépréciation du rand. Ils fuient aussi l’instabilité politique.
La forte concentration de Sud- Africains à Rivière-Noire a soulevé des craintes dans le passé ? Les partagez-vous ?
À Rivière-Noire, il y a aussi une forte présence de Français. Je ne crois pas qu’il y ait des risques pour la cohésion sociale du pays. Les acheteurs sud-africains sont porteurs d’opportunités pour l’immobilier mauricien. Si nous n’en tirons pas parti, d’autres pays vont le faire en capitalisant sur la situation interne de ce géant économique. Il ne faut pas croire que nous sommes le nombril du monde.
Estimez-vous que cette mesure va influer positivement sur le flux d’investissements directs étrangers à Maurice ?
Oui. Cela, d’autant que les investissements liés à l’immobilier présentent une part importante dans la composition des investissements directs étrangers engrangés chaque année.
Je dois également ajouter qu’on aurait pu doubler le Foreign Development Investment qui devrait avoisiner Rs 14 milliards en 2016. Nous aurions pu le faire si ce n’était pour les retards administratifs de certaines institutions. Avec pour conséquence des retards considérables dans la mise en chantier de certains projets.
Les opérations de spéculation ne représentent que 5 % des transactions.
La productivité de l’investissement dans l’immobilier est faible… peu d’emplois et des risques de spéculation. Que répondez-vous à ces critiques ?
C’est une critique facile à l’encontre du secteur immobilier. Sachez que, pour chaque appartement vendu à un étranger, il y a au moins quatre à cinq personnes attachées à sa gestion et à son entretien.
Vous parlez de spéculation ? Or, de 2005 à ce jour, on a vendu environ 2 000 appartements, répartis équitablement entre l’Integrated Resort Scheme et le Real Estate Scheme. Les opérations de spéculation ne représentent que 5 % des transactions.
Par ailleurs, la spéculation est dangereuse quand le financement immobilier est laxiste. Or, à Maurice les banques prêtent avec beaucoup de prudence.